Affichage des articles dont le libellé est thèse. Afficher tous les articles
Affichage des articles dont le libellé est thèse. Afficher tous les articles

13 octobre 2011

Une semaine plus tard.

Jules insiste. Je reconnais qu'il n'a pas tort mais je ne savais trop comment reprendre la plume. Faut-il beaucoup de mots pour exprimer la fin? J'aurais peut-être pu me contenter d'un lapidaire "C'est fini." et tout aurait été dit. Ma soutenance n'est pas encore bien réelle dans mes souvenirs. Pourtant... Cela fait déjà une semaine que j'entrais, tremblante, dans une salle bondée. Mes amis étaient assis sur les quatre rangées de chaises dévolues au public, formant un mur de soutien pour mon assurance hésitante. Si j'avais dû remporter ma thèse par la force du nombre, les membres du jury n'auraient eu aucune chance.

Les trois derniers jours avant la Fosse aux Lions, je les ai passés prostrée sur mon canapé, avec une pierre à la place de l'estomac. J'imaginais, la pointe au coeur, le président du jury profitant de mon angoisse pour me jeter des boules de compost et ricaner, les sourcils levés, sur l'imposteure démasquée qu'il avait sous les yeux (Non, je n'exagérais pas! C'était très possible! Tout le monde peut se procurer du compost maintenant! :s ). J'entendais déjà ma voix trembloter dans la récitation mal assurée d'une thèse dont je ne me rappelais que les premières pages. Sans crier gare, elle finirait par s'étioler et disparaître, tout bonnement, m'enfermant dans une prison de silence que seule la honte pourrait briser. Assez ironiquement, ces angoisses ne me faisaient que mieux dormir. Un peu comme si mon corps tentait de me protéger en me plongeant dans un comas sans fin, dont je ne me réveillerai qu'après le jour de ce que j'appelais "mon exécution publique". 

Bon, je reconnais que je suis vraiment TROP angoissée. Il était peut-être un peu excessif d'avoir aussi peur d'une journée qui se voulait celle de la consécration pour n'importe quel autre doctorant. Je devrais vraiment apprendre à relaxer et, surtout, à me dire que ce que je fais n'est pas toujours aussi mauvais que je le crois. D'ailleurs, ma soutenance s'est merveilleusement bien passée. Sig m'a même dit que mon directeur de thèse avait trouvé ma prestation excellente: après toutes ces années à n'être qu'une ombre, ce compliment m'a été un beaume au coeur. Je n'ai même pas balbutié et je me suis rappelé de toutes mes recherches! Oui, c'est surprenant, quand on sait à quel point l'angoisse peut me faire oublier jusqu'à mon nom. 

Maintenant, c'est bel et bien fini. Quoique je décide, quoiqu'il se passe dans l'avenir, ce ne sera plus dans le cadre de mes études. Je n'ai plus de reconnaissance à attendre: je viens de passer la ligne d'arrivée. C'est un nouveau chapitre de vie que je dois écrire, loin des bancs d'école. Sur le coup, alors que les membres du jury livraient leur verdict, j'ai eu, l'espace d'un instant, une énorme envie de pleurer. Je voulais embrasser tout le monde pour les remercier de m'avoir aidée, de m'avoir portée jusque-là, je regardais tous mes amis, ma famille et tous ceux qui ont cru en moi - parfois même plus que moi-même - et j'avais envie de leur donner mon diplôme comme juste rétribution de leur amitié, de leur amour et de leur fierté. C'est ironique: réaliser un Doctorat, c'est apprendre à être seul, autonome, persévérant, déterminé afin de mener à bien une entreprise de longue haleine dont, jusqu'à la dernière minute, on ne voit pas bien la sortie. Et pourtant, c'est aussi le moment où on s'aperçoit que les gens ont confiance en vous, vous portent et vous soutiennent pour que vous ne vous écartiez pas trop du chemin. Dans mon cas, je vais presque m'ennuyer des rencontres au Département d'Histoire où nous étions tous des étudiants dans le même bâteau... Bon, j'ai dit "presque"! ;)

Le lendemain de ma soutenance, ça a été le tour de mon Yankee préféré. En 48h, on a explosé la moyenne de soutenance de la chaire de recherche. C'est aussi la fin d'une époque, pour le meilleur, on l'espère. Merci à tous, en tout cas, de m'avoir permis d'arriver là où j'en suis aujourd'hui: à ma soeur qui angoissait presqu'autant que moi, à Jules qui en est sorti tout ému, de magnifiques fleurs à la main, à ma maman qui avaient les yeux rougis en franchissant la porte, à tous pour avoir été là mais aussi à ceux qui ne le pouvaient pas, physiquement, mais qui ont arrêté de respirer un instant, le Jour J, en attendant le verdict. Ainsi mon papa, ma soeur, ma famille et mes amis de l'autre côté de l'Océan. J'ai senti vos pensées. Itte Rashaï Mina-san.

28 septembre 2011

Désillusion brutale d'une fin de thèse.

Lorsque j'ai commencé mon Doctorat, j'étais armée d'une volonté indéfectible de montrer au monde entier que j'étais capable de relever cet ultime défi scolaire. Je voulais que mon papa soit fier de moi, que ma maman ait des raisons de l'être, que ma famille et mes amis se disent que, peut-être, finalement, je valais quelque-chose. Au fur et à mesure que j'avançais, je me rendais compte de la difficulté de ce pari: une bonne thèse est une thèse terminée, nous répétait souvent mon directeur français. C'était vrai: le plus dur était de trouver l'énergie, la motivation pour continuer les recherches, pour étudier, examiner, analyser les documents afin de produire, à la fin, une thèse digne de ce nom. Le Doctorat, ça n'a rien à voir avec la maîtrise ou d'autres diplômes pour lesquels un mémoire est demandé: là, il faut être original, novateur, persévérant et, surtout, autonome. Car on n'est jamais plus seul que lorsqu'on réalise un Doctorat. Bien-sûr, il y a les amis, ceux qui partagent votre galère sur le long chemin de l'ultime diplôme, et il y a aussi les directeurs qui, au hasard des couloirs, vont balayer d'un revers de main toutes vos recherches ou, au contraire, vous encourager. Mais, au final, vous êtes seul.

J'ai réussi. Ma thèse n'est pas parfaite, évidemment, mais elle est terminée, déposée et elle est le fruit de quatre années de recherches intensives. Il ne reste que la soutenance. Dans les faits, je pensais que c'était un genre de formalité: bien-sûr, j'aurais des questions et la présentation orale de mon travail va me demander une certaine préparation, mais je n'imaginais pas que l'on remettrait en cause ma thèse: après tout, elle a été déposée. Encore un indice de ma naïveté, je suppose. Hier, j'ai reçu tous mes rapports de jury: si quatre sont conformes à ce à quoi je m'attendais, soulevant à la fois les bons et les mauvais points de mon travail, le cinquième pourrait s'apparenter à un lynchage contrôlé de mon produit final. Sur six pages, l'auteur se lance avec une aigreur presque tangible dans le dénigrement de mes méthodes de recherche, de mes hypothèses, de mes démonstrations et va même jusqu'à remettre en cause la quantité d'efforts investie dans cette thèse. En toute honnêteté, je l'ai mauvaise. Vraiment. Que mes recherches ne soient pas parfaites, j'en conviens aisément: si seulement c'était possible, nous y passerions non pas quatre ou six ans mais bien le tiers de notre vie. Il y aura toujours quelque chose de plus à examiner. En revanche, sous-entendre que j'ai, pardonnez l'expression mais c'est à peu de choses près ce que l'auteur insinue, "torché" mon travail afin de rendre un espèce de brouillon infâme, c'est particulièrement blessant. Surtout qu'à la différence des autres membres du jury, il ne suggère rien - se contentant de critiquer largement mes choix. (Ce qui est limite incohérent avec sa mention (Bien) qui, si elle n'est pas la panacée pour un Doctorat, n'est quand même pas l'indice d'un échec aussi total qu'il s'évertue pourtant à le prétendre dans son rapport). 

Finalement, ma soutenance est dans une semaine et je sais que je devrais faire face à cet homme, que je n'ai vu, en tout et pour tout, qu'une fois et qui est si intimement persuadé de mon incompétence. Ce n'est certes pas la situation la plus favorable à laquelle je pouvais espérer m'attendre. Mon Yankee préféré me dit que, au pire du pire, mon exécution publique ne durerait que trois heures dans une vie. Indéniablement. Mais cela ne change rien à la brûlure du dénigrement: mon travail, sans être la meilleure thèse de l'année, méritait bien mieux que cette avalanche d'insinuations et de mépris. Pour preuve, sur cinq membres du jury, cet homme est le seul à vomir à ce point dessus...

15 mai 2011

Le prologue du chapitre d'une vie.

Le jeudi 12 mai, j'ai tourné la page de mes quatre dernières années de vie. À vrai dire, je ne réalise pas vraiment encore que ma thèse est imprimée et "déposée". Je remarque bien que je ne passe plus toutes mes journées, du matin jusqu'au soir, sur l'application word de mon ordinateur, mais je m'attendais à une liesse et un apaisement intérieur plus importants, je crois. Il est vrai qu'une petite part de moi me rappelle que la Poisse ne traîne jamais très loin de mes cris de joie et que je suis mieux de faire semblant de rien jusqu'à ce que tout soit officiel. Le principe de la cotutelle rend cette dernière étape plus longue qu'à la normale.

En fait, je ne réalise tellement pas que lorsque Ja m'a invitée vendredi soir pour un souper de filles, je n'ai absolument pas fait le lien avec cette entrèe dans le prologue de ma thèse. Conviée à 18h30, j'y suis arrivée avec trente minutes de retard - oui, il faudrait vraiment qu'on me greffe un GPS... Rétrospectivement, je remarque plein de petites choses qui auraient pu me mettre la puce à l'oreille, comme l'étrange réaction de Béa, invitée au souper de filles, qui avait soutenu à Brian qu'elle ne viendrait pas, les quelques minutes de "trop" entre le moment où j'ai sonné à la porte et l'instant où celle-ci s'est ouverte. Mais en fait, non: ils ont tous été merveilleusement forts. "Ils"? Oui, "ils". En entrant dans la cuisine de Ja, j'ai remarqué, dans l'encadrement de la porte, la coiffe avec des plumes multicolores que portait Mathieu, sur la terrasse. J'ai juste eu le temps de préparer ma remarque sardonique sur son déguisement avant de franchir à mon tour le seuil de la porte. Et là, je les ai vus. Tous. Tout le monde était là. Même Jules, qui était pourtant parti dix minutes avant moi de la maison pour aller chez Schwartz avec Alexis. J'étais sans voix. C'est parce que si je n'avais jamais fait de souper de fîlles avant, je n'avais jamais eu droit à des fêtes surprises non plus. Toute émue, j'ai senti mon corps se figer. Réaction désormais habituelle lorsqu'il est le centre de l'attention: avoir son corps et son esprit dissociés a pour principale conséquence que l'esprit abandonne le "navire" à la moindre émotion forte. Ça promet pour le mariage, d'ailleurs... J'ai fini par faire quelques pas, comme si je marchais dans un rêve. Durant les premières dix minutes, mon esprit ne parvenait pas à se fixer. Je remerciais tout le monde mais je n'entendais qu'à peine ce qu'on me disait. Je n'en revenais juste pas. Je pense qu'on peut le dire: l'effet de surprise était total.

En fait, nous étions trois fêtés: Mathieu, mon yankee préféré et moi-même. J'étais juste la dernière arrivée. En fait, je n'ai pas vraiment de mots pour dire combien cette soirée m'a touchée. Même si je ne réalisais pas, et ai encore un peu de mal à assimiler l'information que c'est (presque) fini, tous mes amis qui nous avaient accompagnés durant les dernières années étaient là pour nous féliciter d'avoir franchi le cap. Ce soir-là, je me suis sentie comme une enfant à qui on vient d'offrir ses cadeaux de noël: les yeux brillants de reconnaissance, je constatais avec angoisse qu'il n'existait pas de mots assez forts pour exprimer ma gratitude et mon bonheur. "Merci" a toujours l'air un peu éculé lorsqu'il est prononcé dans ces occasions. Si la rareté détermine la valeur des choses, il faudrait inventer un mot que l'on garderait pour les événements particuliers, afin que ceux qui le reçoivent sentent immédiatement à quel point la préciosité du cadeau qu'ils viennent de faire est grande pour nous. Un terme qui rendrait, en quelques syllabes, l'ineffable, prononçable, les étoiles dans les yeux, tangibles, et qui rendrait enfin un peu de ce trop-plein de joie reconnaissante à ceux qui l'ont instillée.

En l'absence d'un tel mot, cependant, je me contenterais du "merci", mais avec une telle sincérité et une telle gratitude qu'il dominera tous les autres. Merci à tous.

10 avril 2011

La mission du jour!

Les activités extra-thèse en période de rédaction-correction ressemblent aux corvées de notre enfance. Vous voyez, genre lorsque vos parents exigeaient (Ô Scandale!) que vous débarrassiez la table après avoir mangé ou encore que vous portiez les poubelles au bout de la rue. Mon défi de la journée ? Me nourrir sainement.

Première étape: constater qu'il est 13h32 et qu'il faudrait penser à manger si je ne veux pas dévorer douze tartines de nutella à 16h, faute d'avoir alimenté mon insatiable corps. Pour ce faire, il me faut m'arracher à mes corrections (comprendre: perdre du temps) pour aller chasser mon repas dans la cuisine.

Seconde étape: ouvrir le frigo. En l'absence de tout revendeur Subway agréé dans mon appartement, je vais devoir confectionner mon propre sandwich.

Troisième étape: analyser le contenu du dit frigo. Jeter un oeil dubitatif sur les tomates et calculer le temps que ça prendrait pour les couper en tranches. Eliminer l'option en songeant qu'il faudrait ensuite passer l'éponge sur la table parce que, adroite comme on est, il y aura sûrement plus de jus dessus que dans la tomate de mon futur sandwich. Se tourner vers la carcasse (oserais-je dire "vieille carcasse"?) de poulet qui est là depuis tellement longtemps qu'on y est presque attachée. Douter quelques instants puis abandonner l'idée en refermant la porte du frigo.

Dernière étape: se faire deux tartines de nutella en guise de repas de midi. Quitte à les manger au goûter, autant le faire maintenant, on gagnera du temps.

Maintenant, je peux retourner travailler. En revanche, j'ai lamentablement échoué la mission du jour. Tant pis, je réessairai demain!

26 mars 2011

Une lumière au bout du tunnel portée disparue.

Lorsque nous étions enfants, ma soeur et moi, nous avions pour précepte de ne jamais nous emballer pour un projet qui nous tenait à coeur. Il fallait feindre l'indifférence afin qu'il ne prenne pas peur et ne disparaisse pas dans un claquement de doigt. Genre, au cas où il se serait aperçu de l'effet qu'il nous faisait. Assez ironiquement, Murphy et ses lois n'étaient pas loin de nous donner raison: crois trop en quelque chose et l'imprévu oublié se manifeste dans la seconde. En vérité, c'est certainement que nous sommes plus sensibles à l'échec d'un projet qui nous tient à coeur qu'à celui qui nous indiffère. Toujours est-il que nous avons, toutes les deux, gardé cette habitude de ne jamais tirer de plan sur la comète, dès fois que la dite comète nous éclate au visage. Parfois, cependant, je dérape. Persuadée d'avoir analysé toutes les inconnues d'une équation, je me laisse aller à croire que je vais vraiment réaliser mes projets. Comme ma thèse par exemple. J'y ai cru, ces dernières semaines. Vraiment. Trop sûrement. La chute ne fait plus que mal. Depuis que, mardi, mon directeur m'a rendu des commentaires dont la cohérence me semble parfois mystérieuse, je reste figée dans un état second. C'est un peu comme avoir annoncé à un marathonien qui croyait avoir passé la ligne d'arrivée après des heures de course qu'il s'est fourvoyé. Le contrecoup est d'autant plus rude, d'ailleurs, que le coureur ne comprend pas ce que lui demande son entraîneur, prenant son regard désabusé sur sa course comme un indice du peu d'estime qu'il octroyait à ses capacités. Bien-sûr, ce n'est sûrement que de la paranoïa liée à sa fatigue: en bout de course, l'énergie et l'envie ne sont plus là. Le désespoir de la désillusion, par contre, est en méga forme pour prendre la relève. Eh bien, je me sens un peu comme ce marathonien.

C'est toujours compliqué de partager ce découragement avec ceux qui vous entourent et qui n'ont jamais connu la solitude et les efforts que demandent un travail de si longue haleine. Au fond,  à leurs yeux, cela reste l'exercice d'une passion, des recherches poussées sur un sujet qui nous titille, sinon pourquoi nous serions-nous lancé dans pareille entreprise? Il est vrai qu'il y a toujours une part de ce rêve lorsqu'on se lance en thèse. L'envie d'en savoir plus, le désir d'accomplir quelque chose dont on pourrait être fier habitent une petite partie de notre coeur. Mais c'est aussi beaucoup de sacrifices que j'impose, pour ma part, à ma famille et à Jules. À moi aussi, d'ailleurs, dans une certaine mesure. J'ai renoncé à mon indépendance, à mon autonomie et je suis devenue un poids financier pour les autres. Depuis que je suis sortie du lycée, j'ai toujours voulu me libérer de ce côté parasite. Je voulais pouvoir faire des choix sans les faire assumer par ceux que j'aimais. Je m'étais plutôt bien débrouillée jusqu'à mon entrée en Doctorat. Cela rend d'autant plus amer le constat d'échec de ces dernières années, à la charge des autres, dans l'attente d'une lumière au bout du tunnel. Mais quelqu'un a visiblement touché à l'interrupteur : alors que je croyais enfin l'atteindre, tout est redevenu soudainement sombre et confus.

Au fond de moi, je sais que je ne devrais pas être aussi découragée pour quelques corrections supplémentaires. Pourtant, mardi, une pierre s'est installée dans mon estomac et ne semble pas décidée à bouger. Dans mon monde idéal, je terminais ma thèse, je trouvais un travail et je rendais à tous ceux qui m'avaient portée jusque-là toute la gloire qu'ils méritaient. Dans mon monde idéal, mon entraîneur croyait en moi. Dans mon monde idéal, lorsque je franchissais la ligne d'arrivée, rien ni personne ne pouvait plus m'enlever ma couronne de lauriers. Dans mon monde idéal.

9 août 2010

Facebook: le mythe de l'avaleur de temps.

Alors que je passe actuellement toutes mes journées ( au sens large! C'est à dire qu'elles débordent un peu sur l'aube et un tantinet sur la soirée) sur ma thèse, quelque peu angoissée à la perspective de ne pas remplir mes engagements dans les temps, je me souviens avec un brin de nostalgie amusée d'une discussion précédemment eue avec mon Yankee préféré, il y a déjà quelques mois. Mon ami, souffrant d'une allergie incurable aux joujoux du web moderne, principalement au très populaire Facebook, m'avait soumis un article accusant ce type de site de grignoter le temps de ses adeptes. En gros, le dit article soutenait que tout le temps que les Facebookiens passaient sur leur page était du temps retranché à d'autres activités cybernétiques ou ludiques, telles que le blog, le courriel, la lecture de la presse ou la confection de tasses en terre cuite. 

A l'époque, je m'étais étonnée de ce raisonnement car, fondamentalement, sur Facebook, mis à part mettre à jour son statut à chaque fois qu'on réalise un petit exploit digne d'être connu, selon nous, publier des photos de nos vacances à Perpette-Les-Bains une fois par an et jouer à Tétris en ligne, il n'y a pas de quoi passer des heures "actives" dessus. Je précise "actives" car je pense qu'une nuance doit être apportée quant à l'usage de Facebook: fondamentalement, si l'on se base sur le temps où ma page Facebook est ouverte, je ne dois pas être loin de de la dépendance. Et pour cause, travaillant sur ma thèse, donc sur mon ordinateur, j'ai la fenêtre ouverte en permanence, aux côtés de ma boîte mail. Mais je n'y suis pas plus ou moins active que la dite boîte mail. Je veux dire: l'avoir ouverte est pratique car je peux prendre connaissance immédiatement des messages qui me concernent, comme pour ma messagerie, mais cela ne signifie pas que je suis engagée dans une partie de douze heures de Tétris. Facebook n'est, ni plus ni moins, qu'une plateforme de communication en temps réel qui permet de communiquer avec plusieurs personnes à la fois d'une manière plus originale que le simple mail. A mon sens en tout cas. Sorti de là, je vois mal comment on pourrait véritablement avoir une dépendance à ce site qui nous ferait oublier toutes nos passions. Clairement, je ne me suis jamais dit: tiens, je n'ai pas le temps de lire ce livre, je dois aller voir si mes "amis Facebook" ont des mises à jour! De la même manière, l'utilisation que j'ai de ce site n'a rien à voir avec ce que je peux écrire sur mon blog... De fait, je ne peux que m'étonner de ce type de raisonnement. Ce n'est pas parce qu'on mange un yaourt qu'on ne voudra pas de pommes, me semble! (Et oui, pour répondre à mon Yankee préféré, je viens d'inventer cette phrase! ;) )

Bref, pourquoi parler de ça plus de deux mois après le débat? Eh bien, alors que je suis sur le point de me métamorphoser en clavier d'ordinateur et que mes yeux sont sur le bord de quitter le navire, las de regarder défiler des pages de texte à la recherche d'une erreur, je souris en repensant au point de l'auteur de l'article. S'il veut savoir ce qui m'empêche de me consacrer à mes autres passions, le philosophe du web, je pourrais le rassurer immédiatement: ce n'est point Facebook, mon avaleur de temps, c'est ma thèse. Clairement.

Bon. "Back to Work" comme dit mon Yankee préféré! ;)

3 mai 2010

Sigmund nous a quittés: service après-vente Acer ou Best Buy?

Poisse, ma colocataire et, désormais, compagne de vie, a encore frappé. Notez: cela me permet d'avoir un aperçu de ma dépendance maladive à cet outil, somme toute, purement matériel dans mon existence. Il faut dire qu'être en période de rédaction de thèse ne rend pas le sevrage facile: sans Sigmund, mon travail s'avère bien compliqué. Bref, vous l'aurez compris: mon fidèle compagnon depuis quatre (misérables) mois m'a lâchement abandonné. Sans préavis ni lettre d'avertissement, il m'a regardé une dernière fois de son écran lumineux puis s'est éteint dans un silence morbide. Enfin... Un silence... Je parle de lui, là. Parce que, de mon côté, le silence était colonisé par de nombreux sacres (ou jurons, selon le côté de l'océan) que la décence m'empêche de reproduire ici. J'ignore si c'est la jeunesse de Sigmund ou le fait que j'étais au milieu d'une phrase de mon chapitre de thèse qui a alimenté mon imagination mais mon débit était à l'échelle de mon désespoir. A ce moment précis de ma journée, la marée noire aux abords des côtes de la Louisiane me paraissait à peu près aussi importante qu'un prospectus du Coq Rôti. Bref, Raison m'avait quittée pour aller faire quelques emplettes, laissant le champ libre à Frustration et Dépit pour organiser une petite fête à la maison! Raison revenue, quelques heures plus tard, elle renvoya les deux adolescents dans leur chambre et reprit le contrôle de la situation. La première idée qu'elle insuffla à Cerveau fut de ramener Sigmund à Best Buy en leur expliquant que dépenser 600 dollars tous les quatre mois n'est pas particulièrement un objectif de vie. Réconfortée par cette idée, je la soumets à Jules, qui est, après tout, le chauffeur. (Il faudrait qu'il soit amputé des deux bras et équipé d'une jambe de bois pour que je concède de conduire son bateau alors qu'il est là (un Caprice Chevrolet de 1993: un paquebot mais avec des roues!)) Il s'empresse de ramener Raison à la raison par un constat laconique:

-"Ils n'en auront rien à faire. Ils vont te renvoyer avec le constructeur. T'es mieux de voir directement avec Acer."

Raison est contrainte de le reconnaitre: Best Buy n'est pas reconnu pour son service après-vente. Elle décide donc de suggérer à Cerveau une recherche sur le site d'Acer Canada. Déjà, à part la page d'accueil, tout est en anglais. Bon, qu'à cela ne tienne, Relativité s'en mêle et convainc Raison que c'est un excellent exercice pour la partie Langues Etrangères de Cerveau, qui a plutôt tendance à se la couler douce. Je parviens à la page de "support" où il m'est demandée le mal de Sigmund. L'ennui, c'est qu'il faut que je détermine quelle partie de mon ordinateur est en panne. 

-"Héhéhéhé... C'est parce que, si j'en avais la moindre idée, je ne m'ennuierais pas sur votre site pourri!"

Ai-je envie de répliquer. Mais Raison me rappelle que "répliquer" à une page inerte de site Web ne fera pas avancer mon affaire. Certes. Elle commence à m'énerver, elle aussi, la mère Raison... Bref, vu que c'est l'écran qui s'est éteint et que cela ne fonctionne pas plus lorsque je le branche sur un autre, je choisis vidéo, tout comme j'aurais pu choisir Géranium, tellement j'en avais aucune idée. Je m'efforce de compléter ma réponse du mieux que je peux, en anglais, et j'envoie ma requête.

-"Merci de votre demande. Veuillez nous faire parvenir votre ordinateur le plus vite possible à l'adresse Suivante: (...) Mississauga, Ontario."

...

Wow. Acer est développé. Mon ordinateur est en panne, quatre mois après son achat, et je dois l'envoyer... en Ontario??? Non mais ça tombe bien parce que je ne m'en sers pas du tout et je ne suis vraiment pas en train de tenter de terminer ma thèse. Alors, ça peut bien prendre six mois à être réparé! Après tout, sur toute une vie, c'est rien...
La phrase suivante aurait pu signer le départ de mes sourcils de mon visage tant je les ai levés haut! (Malheureusement pour eux, ils ont l'air bien accrochés!)

-"Nous ne sommes pas responsables des parties de votre ordinateur qui ne vous seraient pas renvoyées après la réparation!"

Gnê? Genre, je t'enverrais mon ordinateur au complet et je me retrouverais avec la carcasse de Sigmund sans transformateur ou batterie et le centre de réparation d'Acer ne serait pas responsable? Est-ce qu'il répare les ordinateurs avec les morceaux d'autres portables? 

Raison en vient, elle aussi, à douter de la pertinence d'envoyer Sigmund aussi loin et risquer de ne retrouver que le lecteur de DVD dans le colis de retour. Subrepticement, elle suggère à Cerveau d'appeler, à tout hasard, Best Buy, dès fois qu'ils auraient de meilleures options...

8 février 2010

Choix de vie en compromis...

Une thèse de doctorat, pour beaucoup, c'est un diplôme de qualité: après autant d'années d'étude, il paraît évident que le thésard est un être brillant et plein d'avenir. Selon moi, comme je l'avais mentionné dans mon billet Mirage de la procrastination, il n'ait rien de plus simple que de commencer un doctorat. Il suffit de ne pas être trop mauvais, de se sentir à l'aise dans la peau d'un étudiant et de se laisser porter par le courant de la vie. La principale difficulté réside en son achèvement: les années passent et, contrairement aux autres diplômes, elles nous laissent beaucoup trop de temps pour nous remettre en question. Ai-je fait le bon choix? Suis-je vraiment capable de terminer cette recherche de longue haleine? Ai-je vraiment le potentiel pour écrire, seule ou presque, un infime pan de l'histoire? Et puis que vais-je faire ensuite? Lorsque mes amis me demandent pourquoi j'ai choisi de continuer en Histoire, je n'ai souvent que peu d'arguments convaincants. J'aime cette discipline. Profondément. J'apprécie découvrir et approfondir mes connaissances dans le domaine des autochtones du Québec, puisque je les ai choisis entre tous. Mais j'aurais pu en faire un loisir... Alors pourquoi?

Peu importe mes choix de vie, je me suis toujours accrochée à deux principes pour la mener à bien: je ne voulais dépendre de personne, assumer mes décisions sans jamais en faire porter les conséquences à qui que ce soit. Il me semblait que l'inverse aurait été lâche: il est tellement aisé d'accuser les autres pour nos erreurs passés. Je ne voulais jamais en arriver là. Mon second principe de vie était de ne jamais négliger ni remettre à plus tard ce qui comptait vraiment pour moi. Ces deux résolutions profondes peuvent se résumer par l'adage bien connu: "Les remords valent mieux que les regrets". Pourtant, depuis quelques temps, je pèse sur ma famille car je n'ai pas les moyens d'assumer mes choix étudiants et je néglige mes amis, le Kung Fu, si cher à mon cœur, j'oublie ce que je suis afin de mener à bien un Doctorat en Histoire. Je suis juste trop avancée pour abandonner: j'ai envie de le terminer car le sujet me passionne vraiment, parce que je veux prouver que je peux y arriver, parce que j'ai du me battre trop longtemps pour parvenir jusqu'ici. Je veux le terminer et je vais le terminer. Mais le prix est parfois cher à payer pour y parvenir. J'ai tout de même de la chance: ici, bien des étudiants finissent leurs études et sont endettés pour les dix prochaines années de leur vie. Personnellement, aucune banque ne m'enverra de compte à payer à la fin de mon doctorat. Je ne devrais donc pas me plaindre. Pourtant, cette sensation de ne plus s'appartenir et que l'échec n'est même plus concevable car il serait aussi celui de mes proches est parfois particulièrement pesante. Hier soir, j'ai trouvé une offre d'emploi qui me convenait parfaitement: un VIE à Ottawa d'une durée d'un an, à compter de mai. Parfait pour le territoire, songeai-je, mais un peu trop tôt pour le timing. En plaisantant, j'ai tout de même demandé à Jules s'il me suivrait dans la capitale. Une douche froide m'attendait:

-"Non."

Mon sourire s'est éteint. Certes, le temps n'était pas parfait et il y aurait donc eu peu de probabilité pour que je puisse accepter l'offre d'emploi, si tant est qu'ils aient voulu de moi, mais sa réponse m'a bouleversée. Certains diront qu'il est encore trop tôt pour penser aux choix professionnels et que, peut-être, tout se décantera de lui-même en temps et lieu. Peut-être...Mais avouons que les possibilités d'emploi, avec un doc en sciences humaines et une hantise d'enseigner, ne sont pas légion. En outre, mes principales offres d'emploi sont à l'étranger: en dépit de toute ma bonne volonté, je n'ai pas de travail dans mon domaine à Montréal. J'ai beau me dire qu'on verra bien en temps et lieu, une petite boule s'est formée hier soir dans mon estomac et elle fait un peu mal...

26 janvier 2010

Archives du Musée de la Civilisation de Québec, vous dîtes?

Aujourd'hui, j'ai encore eu la preuve que tout n'est pas comme il paraît. Après mon équipée aux archives de Nicolet, l'ennui de celles du Dartmouth College, je m'attendais à quelque chose de beaucoup plus agréable à celles du Musée de la Civilisation de Québec. La capitale nationale est une grande et belle ville et, ce qui ne gâche rien, on y parle la langue de Molière. Lorsque j'ai retracé mes archives, il était clairement indiqué qu'elles étaient regroupées parmi les documents du séminaire de Québec, au Musée de la civilisation de la dite ville. L'archiviste avec lequel j'avais correspondu les dernières semaines s'était borné à me signaler que je devrais prendre la petite porte à côté de la principale si j'arrivais avant 10h. A vrai dire, j'étais déjà allée assister à un colloque sur la sexualité et les autochtones dans ce musée alors je pensais bien pouvoir retrouver ma route. Oui mais voilà: j'avais compté sans la logique légendaire des fonctionnaires.

-"Bonjour Madame. Je cherche les Archives du musée. 
- les archives? Elles ne sont pas ici."

Plaît-il? Nous parlons bien des archives du Musée de la Civilisation du Québec, à l'intérieur duquel, Ô merveilleux hasard, je me trouve accoudée à un comptoir, m'adressant à deux réceptionnistes tout sourire?

-"Oui, oui! Mais elles sont au Musée de l'Amérique Française, dans la Haute-ville."

Logique. Magnifique plan pour perdre les ennemis: tu donnes le nom d'un autre musée à tes archives, pour être bien sûr que personne ne les trouve. Devant mon air bête, l'une des réceptionnistes se sent obligée de sortir un "plan" de la ville: un carré de papier recyclé où deux routes se croisent et où l'on peut admirer trois rectangles, symbolisant les divers musées en question.

-"Vous voyez? Là, nous sommes dans la Basse-Ville. Il vous faut prendre la côte de la montagne, puis...
- Oui, je suis au courant, en fait. Je viens de descendre toute la ville pour vous atteindre...
- Ah oui, c'est ça qui arrive."

Pour ceux qui ne connaissent pas Québec, il s'agit d'une très jolie ville qui rappelle un peu l'Angleterre, avec ses rues piétonnes et ses petites maisons alignées. Juchée sur un promontoire, elle a donc une haute et une basse ville qui ont un dénivelé suffisamment important pour refroidir quiconque serait amputé d'une jambe! Certes, ce n'est pas mon cas mais l'ascension mit tout de même en lumière mon manque criant de Kung Fu des dernières semaines. Parvenue au Musée de l'Amérique Française, je pénétrai dans son enceinte afin de m'informer auprès de la jeune fille de l'accueil de l'emplacement des archives.

-"Elles sont au deuxième sous-s...euh...Attendez!"

Elle décroche le téléphone afin de s'informer auprès d'une collègue de l'emplacement des archives. Un peu plus et je me serais crue à Versailles tant cela semblait compliqué de se retrouver. La jeune fille raccroche:

-"C'est bien ça. Vous prenez l'ascenseur au fond de la chapelle et c'est au cinquième étage."

Je haussais un sourcil, autant pour le "c'est bien ça" que pour la mention de "chapelle". Je suivis la direction de sa main et me retrouvai, en effet, au cœur d'un antre religieux. Ces lieux ont toujours tendance à me mettre mal à l'aise, pour une raison obscure. La richesse qui les ornent me plongent toujours dans des états réflexifs trop intenses. Je la traversai donc à grandes enjambées et rejoignis les ascenseurs. Je passai les portes et gardai mon doigt en suspension devant les touches.

"SS", "RC", "1 (chapelle)".

Le cinquième étage vient d'être absorbé par une faille temporelle ou la fille de l'accueil est une sinistre inconnue qui s'est assise derrière ce bureau parce qu'il y avait de la lumière? Faute de vraiment savoir par où aller, je retourne dans la chapelle et vais interroger les deux femmes qui rient bruyamment, assises à leur table de "bonnes oeuvres". Je pose ma désormais sempiternelle question:

-"Les archives, s'il vous plaît? Il paraît qu'elles sont au cinquième éta...
- Ah mais pas dans ce bâtiment!" s'exclame l'une de mes interlocutrices.

Hin!Hin!Hin! Bien-sûr! Pourquoi aurais-je pensé que c'était dans ce bâtiment, Musée de l'Amérique Française, alors que toutes les réceptionnistes de cette ville ne savent visiblement pas ce que le mot "archives" signifie! La dame me raccompagne jusqu'aux ascenseurs et me désigne, par la fenêtre, un bâtiment en contrebas.

-"Vous devez prendre l'ascenseur pour sortir dehors et marcher jusque là bas."

Soit. Je rentre à nouveau dans la boîte de conserve mobile et appuie sur RDC car Rez de Chaussée donc, dans un raisonnement clairement naïf et précipité de ma part, la sortie! Que nenni! Le bouton ne fonctionne pas: c'est un genre de décoration faschion. Ma seule option est donc le Sous Sol. Je m'y résous: je ne vois pas pourquoi un couloir bleuté ne me conduirait pas dans les entrailles du bon bâtiment. Après moult détours, me voici dans l'entrée de mon objectif:

-"Bonj...
- C'est pour les archives?
- Euh...Oui.
- 5e étage. Mettez votre manteau dans l'entrée et prenez l'escalier derrière."

"Derrière". Il n'y en a pas mais l'inverse, j'en suis sûre, m'aurait fait sursauter. D'un côté du couloir, des toilettes arborent leurs magnifiques pancartes de bonshommes allumettes et, de l'autre, une porte fermée avec inscrit en gros: Entrée interdite. Une femme en sort:

-"Bonjour. Je cherche l'escalier pour monter aux archives.
- Il est devant l'accueil.
- Pour les archives? Parce qu'on m'a dit..."

La femme a déjà disparu dans les limbes des toilettes. Je n'avais sûrement droit qu'à une question et je l'ai gaspillée. Je reviens donc en avant, passe devant les dames de l'accueil qui discutent, monte le premier escalier... et me heurte à une corde. Le second est barré. En outre, l'escalier s'arrête au troisième étage: j'imagine qu'il faut prendre un tapis volant pour le reste du trajet. Je me penche par dessus la rambarde et apostrophe les dames de l'accueil. Une pointe d'agacement dans la voix:

-"Excusez-moi! C'est bien cet escalier pour les archives?
- Nooooooon! Descendez tout de suite! Derrière, vous a t'on dit. Tenez! Suivez Trucmuche (j'ai oublié son nom)."

Je redescends, le sarcasme au bord des lèvres. Sans mot dire, je suis Trucmuche qui m'entraîne derrière la porte arborant "Entrée interdite" d'où était sortie ma brave Ariane qui ne semblait pas du tout disposée à faire de moi son Thésée! Cinq étages plus tard, je m'installe enfin dans les Archives, avec plus de une heure quarante de retard sur mon planning...

Finalement, à Nicolet, c'était vraiment les meilleurs!

5 janvier 2010

Sigmund est entré dans ma vie!

Il y a des journées comme hier où tout semble comploter pour vous donner un avant-goût de l'Enfer. Déjà, se lever avec trois heures de sommeil dans le corps, les cinq autres ayant été avalées par d'insatiables cauchemars, n'est jamais un bon départ. En janvier, on dirait que la noirceur de la nuit colle aux trottoirs glacées et les rayons de soleil ne parviennent qu'à grand-peine à la déchirer. Je ne suis pas vraiment un oiseau de nuit: sans soleil, je dépéris. Sans lumière du jour, je suis aussi vive que du lichen au pied du sapin de Noël...

7h15: je m'ébouillante en voulant remplir la bouilloire. Autre indice de "retourne te coucher, malheureuse! Tu cours vers ta mort! ". Oui mais voilà: à priori, du lichen, ça ne pense pas. De fait, je ne réfléchis pas le matin: j'automatise mon début de journée. Une heure plus tard, alors que j'absorbe le liquide bouillant de mon thé non infusé, mon ordinateur décide qu'il cesse les sommations et les cris de détresse pour prendre sa retraite. Mon graveur de DVD meurt sans avertissement, mon disque de Back-Up, parce que je suivais consciencieusement ces conseils judicieux de Back-Uper mes données, prisonnier de ses entrailles.Vous me direz, depuis six mois que j'ignorais sciemment ses avertissements concernant la batterie, ses sautes d'humeur concernant l'allumage ou encore ses performances de feuille morte pour ouvrir des pages, j'avais de bons indices que mon engin me préparait une mutinerie de cet ordre. La procrastination, cependant, est devenu mon modus operandi pour toutes les étapes trop matérielles de ma vie. Bref, en ce lundi 4 janvier 2010, il n'est même pas 8h30 et je suis déjà fatiguée...

Après un rapide passage en revue de mes possibilités, telles qu'écrire ma thèse à la machine à écrire ou dresser mes chats à écrire en sténo, j'en arrive à  la conclusion inéluctable que je dois bien avoir quelques 600 dollars de trop qui traînent quelque part. Certes, j'empruntais d'abord des ordinateurs environnants et, à priori, non utilisés. Ce ne pouvait, cependant, qu'être temporaire car on en revient toujours à la même affaire: ces petits engins font tellement partie de notre quotidien qu'on en devient presque territorial. Je ne pouvais user longtemps du bien d'Autrui et miser sur cet atout... Je ne suis plus, de toute façon, à cet imprévu, somme toute un brin prévisible, près!

Bref, 600 dollars plus tard, nous voilà, Sigmund (c'est son petit nom) et moi, assis dans notre bureau en train de nous apprivoiser. Je m'étais tellement habituée aux trois heures trente de démarrage de son prédécesseur que je m'étonne toujours de sa vitesse d'exécution. Presque que je l'allumerais toute la journée, histoire de voir si je peux le prendre en défaut au moins une fois.

Tout n'a pas été négatif en ce lundi de rentrée brutale dans l'année de tous les vices (ça rime avec 2010...). Lueur d'espoir dans un monde de brutes: j'ai rejoint deux amis au Salon de thé le Gitana afin de partager un peu d'eau chaude aromatisée et une shisha: ce fut un moment fort agréable, tout d'abord parce que je ne les avais pas vus depuis longtemps (ou presque), la période des fêtes n'étant jamais la plus propice aux rencontres, mais aussi parce que j'ai ainsi pu sortir de ma tête: un luxe qui devient rare. Pour être honnête, je ne devais pas être la plus agréable des convives: les mots s'envolaient de mon esprit avec plus de vélocité que ma bouche ne pouvait les articuler. Je bafouillais avec plus d'aisance que lors d'un oral: étrange sensation que de ne pas être capable de sortir de son état de lichen alors que la lumière du jour nous baigne depuis une coupe d'heures, déjà. Au fond, ce n'est pas très important: juste écouter, être là, entre amis, c'est déjà réconfortant.Ces quelques heures m'ont permis de recommencer à respirer: j'avais arrêté sans m'en rendre compte.

Parfois, je voudrais ne jamais rien ressentir: devenir véritablement un androïde afin de ne plus être soumise aux aléas de mon cerveau décalé. J'ignore pourquoi certaines choses me blessent alors qu'elles ne me concernent même pas. Je voudrais comprendre pourquoi mes émotions fonctionnent au diapason des gens qui m'entourent sans que je les contrôle, comme si je ne m'appartenais plus. Certains diront que sans émotions, la vie n'aurait pas de sens et que ce que nous ressentons au contact des autres prouve que nous sommes humains. Je persiste cependant à croire que je m'attache trop aux choses, trop vite, trop souvent, sans logique apparente. Lorsque je me réveille sous des douches glacées, il est déjà trop tard. C'est définitif: mon cerveau ferait vraiment un excellent sujet d'études psychiques...Vivement mon don d'organes! ;)

Bon, je m'en retourne à Sigmund. Des relations sociales, ça se tisse tôt! ;)

4 avril 2009

Mirage de la procrastination étudiante.

Lorsque l'on fait des études longues, il arrive parfois que nous traversions des phases de découragement. La plupart du temps, je me sors de ces passes désagréables en cherchant un avenir possible après l'obtention de mon diplôme: je regarde les emplois qu'il me plairait d'exercer, je postule dans le secret espoir d'avoir un retour, et j'ai ainsi l'impression de trouver une raison à ces longues années d'université.

Parce que, disons le, pour la plupart des personnes qui m'entourent et qui sont, depuis longtemps, dans la vie active, ma situation semble enviable: après tout, je suis étudiante et, tout le monde le sait, je ne fous rien. Je me contente de festoyer nuit et jour, en attendant que mon diplôme me tombe, pré-emballé, dans les mains. J'exagère peut-être un peu mais avouez que cela correspond souvent à l'image de l'"étudiant". Malheureusement pour moi, ce n'est pas vrai. En fait, si la perspective d'un emploi me rassure tant dans mes moments de déprime, c'est que j'y vois de nombreux avantages en comparaison à ma situation actuelle. Je m'explique:

Aujourd'hui, je tente de terminer un doctorat en Histoire autochtone. Magnifique. C'est vraiment beau à lire.

Mais ce n'est pas simple: je n'ai pas d'horaires de travail, je n'ai pas d'autres objectifs à atteindre que celui de l'achever. Cette situation implique que je n'arrête jamais de travailler sur mes recherches: à chaque heure du jour ou de la nuit, j'y pense et je culpabilise de ne pas avancer plus vite ou bien de ne pas être en train de dépouiller telle ou telle archive plutôt que de prendre un verre avec des amis. Je n'ai jamais de vacances non plus: il m'est impossible de me dire que durant deux semaines, je ne penserai pas à comment construire le plan de ma recherche ou à l'angle sous lequel je vais examiner mon sujet. De la même manière, je n'ai pas lu un seul ouvrage, ou presque, ne concernant pas ma thèse depuis son commencement. (Excepté Cyrano de Bergerac, mais il s'agit de mon ouvrage-détente que j'ai déjà lu une bonne trentaine de fois...^_^).

Bien sûr, vu de l'extérieur, cela ne semble pas si terrible. Mais trois, quatre, parfois cinq ans de vie arrêtée, dans l'espoir d'obtenir un diplôme, c'est long. Alors, lorsque mes proches ironisent sur le fait que je ne travaille pas, je l'ai parfois mauvaise. Je comprends leur impression car, au fond, je suis autonome et je gère mon emploi du temps. Mais il y a beaucoup de mauvais côtés également et il ne faut pas occulter le revers de la médaille. Il n'y a pas de situation idéale: rien n'est tout blanc ou tout noir.

Aujourd'hui, j'ai encore passé une heure à postuler à des jobs que je trouve trippantes. Je sais, au fond de moi, que je n'aurais sûrement pas de retour. Mais j'ai besoin de ces instants où je me projette vers un avenir où mes rêves auront leur place. Parce que je suis angoissée à l'idée de ne jamais arriver au bout, j'ai ainsi l'impression de ne pas faire tout ça pour rien. Je m'illusionne volontairement pour ne pas me laisser dépasser par la vie. L'autonomie est souvent synonyme de liberté mais elle implique aussi une absence totale de sécurité et, lorsqu'on est étudiant, d'indépendance.

Mon objectif est de terminer en décembre. Il paraît que c'est impossible. Peu importe: je veux y croire. Avec de la volonté, tout devient possible, n'est ce pas? ^_^

13 février 2009

Le subconscient de Morphée.

Si mes souvenirs sont exacts, j'ai du étudier le fonctionnement du subconscient, du gardien, de la conscience et du surmoi au lycée...Probablement, devais-je y prêter une grande attention parce que je suis incapable de me rappeler des noms corrects. En tout cas, j'aimerais retrouver mes notes sur ces mécanismes car je trouve très désagréable de devoir pâtir de leurs humeurs. Je m'explique:

Je ne suis pas hyperactive, je ne suis pas une fougère non plus, je suis quelque chose entre les deux. Bref, un être parfaitement humain, entouré d'autres hominidés tout comme moi, qui sont également dotés, pour parodier L'île aux Fleurs, d'un "télencéphale hautement développé et d'un pouce préhenseur".

Or, peu importe que, la veille, je sois demeurée sagement à la maison ou bien que je sois sortie me socialiser avec mes congénères, c'est imparable: lorsque vient le temps d'écrire un article, un travail, ou de lire mes lectures de cours, je ressens un irrépressible besoin de dormir, là , tout de suite. De fait, je me décide alors à procrastiner tranquillement, en m'intéressant à tout sauf à mon travail. Étrangement, je n'ai alors plus sommeil du tout.

Je m'interroge donc sur le message que tente de m'envoyer, si subtilement, mon subconscient. Est-ce:

1/ Laisse donc faire tout ça! De toute façon, tu seras jamais capable de finir!

2/ Tu as encore le temps! T'es capable d'écrire 30 pages en 2h!

3/ Pourquoi veux-tu lire "Montaillou, un village occitan"? C'est le livre le plus plate après "Dis moi ce que tu manges, je te dirai qui tu es!"

Ou bien est-ce simplement mon cerveau qui a fait ses valises sans me prévenir et qui a laissé une grosse balle de coton à la place, histoire de faire croire qu'il est là?

Mystère... Mais j'ai sommeil tout à coup!

25 janvier 2009

Aporie...

-" Alors, tu finis bientôt ton mémoire?
- C'est une thèse, maman.
- Oui, oui! En décembre?
- (soupir) Oui, j'espère..."

Une conversation semblable à toutes les autres lorsque mon interlocuteur fait mine de s'intéresser à mes études. Il est assez difficile d'expliquer "où j'en suis" car il n'y a pas vraiment de repères à donner. J'aimerais pouvoir répondre:

-"Oh! J'en suis à la page 192, alinéa 2, second paragraphe, douzième mot en partant de la gauche."

Mais ce serait mentir. De toute façon, ça ne change rien. Souvent, lorsque je regarde l'ampleur de la tâche qu'il me reste, je prends peur et j'ai envie de tout abandonner, de prendre mon sac à dos et mon chien et de m'enfuir en Argentine. Cela peut paraître étrange, vu de l'extérieur, car, en définitive, je travaille sur un sujet qui me passionne et j'ai, théoriquement parlant, franchi les plus longues étapes pour arriver là où j'en suis. Oui mais voilà: tout n'est pas si simple. De la même manière que je ne peux partager mes inquiétudes relatives à mon travail avec Jules, car, selon ses propres mots, il ne "comprend rien à mes histoires", je ne peux expliquer le profond malaise qui m'étreint lorsque j'analyse le fonctionnement même d'une thèse.

Je vais la terminer. Dans les délais que je me suis fixés, je l'espère. Mais je ne peux répondre à une question aussi précise que: "où en es tu dans ta thèse?". Car je n'en suis nulle part. Je n'avance pas, ne recule pas: j'apprends et j'écris. Une thèse, une recherche, n'est, par définition, jamais complètement achevée.

"-Et après, tu vas faire quoi?"

Rien. Ou plutôt tout. Je veux écrire des livres pour enfants. Inventer la magie et élever des ours polaires aussi. Pourquoi pas?