23 avril 2012

Le Mariage: un moyen de lutter contre ses névroses??

Préparer un mariage, c'est pas nouveau, c'est long et ardu! On s'y prend tellement d'avance qu'on finit par être tannée avant le grand Jour et que l'idée de tout laisser tomber pour plutôt aller signer l'engagement marital sur le coin d'une table, vite fait, nous traverse plusieurs fois l'esprit. Notez, pour ma part, ça m'oblige à faire confiance et à déléguer: je suis bien trop loin pour m'occuper de tout. Déjà que j'ai acheté beaucoup (trop?) de décoration ici, d'après Jules, qui voit avec angoisse le poids de nos valises augmenter à chaque fois que je sors magasiner. J'essaie de (me) le rassurer en lui rappelant que mes parents vont venir en juin et qu'ils pourront en prendre, au moins, les trois quart... Enfin, si on ne compte pas les 20 bouteilles de cidre de glace ou les 60 mignonettes cadeaux que j'ai cachées dans un coin de la pièce. (Comme ça, je ne les vois pas quand j'évalue la place que tous mes achats vont prendre dans nos bagages...)

Hier, fut une journée fructueuse: non seulement, Jules, moi et plusieurs de nos amis ont participé à l'arbre géant formé pour le Jour de la Terre à Montréal, mais en plus, le futur marié a été acheter son costume: à M-2, il commençait à être soumis à un rappel plutôt insistant de ma part. Il ne lui reste plus que sa chemise à trouver: avec un peu de chance, nous devrions pouvoir classer ce dossier incessament sous peu. Mon petit côté maniaque se rassure en cochant chacune des cases de choses à faire que j'avais répertoriées, feignant de ne pas remarquer la catégorie "Danse des mariés". Pas qu'on ne sache pas ce que nous allons faire: on a la musique, le style de danse, il ne manque plus que le talent... :s Non, je n'exagère pas. Au moins un peu de pratique ne nous ferait pas de mal lorsqu'on sait que Jules a appris le nom de cette danse il y a deux jours et que je l'ai pratiquée avec une amie, un petit dix minutes il y a quatre mois. En fait, je crois que Jules a raison: je devrais trouver une robe qui s'accorde avec le rouge de mes joues durant toute la journée! ;) 

C'est assez paradoxal: je suis vraiment contente de réunir tous ceux que j'aime pour une petite fête et pour partager ce moment avec eux mais mon côté "je n'existe pas" trouve complétement aberrant que je doive être au centre de l'attention. Je veux dire: généralement, même si j'apprécie grandement nos rencontres entre amis, je peux prendre la couleur du carrelage et jouir paisiblement de cette charmante compagnie sans vraiment avoir à parler ou à jouer le coeur de la soirée. J'imagine qu'en portant la belle robe, le 30 juin, il me sera plus difficile de m'asseoir dans l'assistance et de regarder en souriant tout le monde - sans même prononcer une parole! ;) Peut-être que, là aussi, cela fera du bien à ma névrose de voir que je peux exister sans être profondément ridicule... Le puis-je? :s 

22 avril 2012

Oublier son passé au risque de perdre son âme.

"Un peuple qui oublie son passé se condamne à le revivre" déclarait Winston Churchill. La brûlure de ces mots se fait d'autant plus sentir que le temps passe et que les populations se désintéressent de l'Histoire pour se concentrer sur leur quotidien. Il est vrai que lorsque ce n'est que misère et déceptions, il est difficile de prendre le temps d'analyser ce qui se passait du temps de nos grands-parents. Pourtant, il me semble que cela revient à renoncer à son identité que d'oublier d'où l'on vient... Mais je suis une historienne: pour moi, c'est plus qu'une question de principes: c'est une passion.

Aujourd'hui a eu lieu le premier tour des élections présidentielles en France. Sans grande surprise, le candidat du Parti socialiste, partisan d'une gauche timide mais qui peut peut-être toucher le plus grand nombre, et Sarkozy ont accédé au second tour. Je suis heureuse de la mobilisation populaire: plus de 80% de participants. C'est magnifique: cela prouve qu'en dépit de tout ce que les média peuvent nous dire, les gens sont encore conscients de la beauté du geste, de la chance que c'est de vivre dans une démocratie, de l'honneur que l'on retire de décider de notre avenir - à notre échelle. Là où je suis plus chamboulée, c'est sans nul doute lorsque je constate que près d'un français sur cinq a voté Front National. Ça me fait mal, à l'intérieur, et je sens comme une pierre au fond de mon estomac. Ce n'est même pas de la colère: c'est juste une immense tristesse.

Je n'ai jamais caché mon antipathie pour ce parti et j'ai déjà entendu les multiples arguments soulevés par les sympathisants ou les électeurs fugaces: un ras-le-bol, un moyen d'exprimer sa désillusion face à la classe politique actuelle, un appel de détresse pour des cas particuliers qui vivent la misère au quotidien et qui ont l'impression que les puissants de ce monde ne les écoutent même pas. J'ai entendu tout ça. J'ai beau essayer de toutes mes forces, je ne comprends pas pour autant. Je veux dire: le Front National, ce n'est pas le Parti Vert ou le Pati Chasse et Pêche. C'est un Parti qui fonde une large part de son programme sur la haine et le rejet de l'Autre. On peut tourner ça comme on veut, prendre son cas particulier pour montrer à quel point Marine Le Pen n'a pas tort à tous les niveaux et que l'immigration pose de sérieux problèmes, ce qui reste au final, lorsqu'on se place au dessus de toute considération particulière, c'est la Haine. Voter FN, c'est laisser sa rage parler, c'est chercher des coupables à une situation étouffante et choisir de déverser sa haine sur l'Autre en espérant que quelqu'un entende notre appel "Au secours". Mais la Haine n'engendre que la Haine. Il ne faut pas remonter bien loin pour voir ce que ça donne un parti d'Extrême Droite au pouvoir. Il ne faut pas avoir fait 12 ans d'Histoire pour remarquer que de la Haine des Autres ne naît que la guerre et la misère encore plus noire. Vendre son âme au Diable n'a jamais sauvé personne.... Une fois le coup de gueule passé, une fois la rage sourde exprimé, qui va attraper votre main pour vous sauver? Personne.

En 1933, un Homme a été élu chancelier en Allemagne. Son parti d'Extrême Droite prétendait se battre pour les travailleurs, les (nouveaux) pauvres gens qui peinaient à joindre les deux bouts et qui voulaient enfin qu'on les entende. En 1929, la Grande Crise avait privé son pays des capitaux américains et s'en était suivie une faillite du système bancaire allemand et de la production industrielle dans le pays. Le chômage avait explosé- la classe moyenne frayait avec la misère. Il s'est présenté en Sauveur. Plus de 64 millions de morts plus tard, on se rend compte qu'il n'était que porteur de Haine. Lorsqu'on vote pour un tel Parti, ce n'est pas un vote contestataire, selon moi: c'est entrouvrir la boîte de Pandore sans avoir la moindre idée de ce qu'elle contient. C'est faire Fi de l'Histoire.


4 avril 2012

Un Livre de vie toujours trop court.

Enfant, on a l'impression que la vie est éternelle, qu'elle ne changera jamais et que le monde continuera toujours de tourner dans le même sens. Ce n'est pas vraiment qu'on ne connaît pas la mort ou qu'on ne comprend pas l'inéluctabilité du temps qui passe: c'est simplement qu'on a l'impression d'avoir le temps avant que ça nous atteigne vraiment. Pour ma part, d'un naturel plutôt sombre, j'ai cherché très jeune à faire entrer la mort dans ma vie en mettant en scène la mienne dans mes écrits ou dans mes pensées. Mais ce n'était qu'une projection de ma propre fin qui m'empêchait d'imaginer qu'un jour mes proches partiraient avant moi. En fait, j'étais juste terrorisée à l'idée d'être la dernière à rester sur cette Terre, tandis que tous ceux qui me sont chers l'auraient déjà quittée selon le "cycle naturel de la vie"... Maudit cyle... 

Je n'ai jamais eu de rapports complices avec mes grands-parents: les parents de mon père nous ont quittés alors que j'étais encore trop jeune pour ressentir le sentiment de vide qu'ils laissaient derrière eux et les parents de ma mère n'ont jamais été très bavards avec moi. Lorsque mon papi est mort, j'étais au Canada: c'était la première année où je quittais la France pour aussi longtemps et il est parti deux semaines avant mon retour. J'étais triste car même si je n'avais jamais été très proche de lui, il était et restera le seul grand-père que j'aurais jamais connu. Je me rappellerai toujours sa gourmandise pour le gâteau au chocolat de mamie, qui le grondait parce qu'il se resservait subtilement trois fois, ou encore ses habitudes d'écouter France-Inter à fond en se rasant à 8h du matin. Papi, c'était aussi des histoires, racontées par maman, un fantôme qui avait vécu une autre époque, celle de la Guerre et des loups aux portes de la maison. Lorsqu'il est parti, j'étais triste mais je me plaisais à me dire qu'il s'était réincarné dans ce chat, apparu le lendemain de sa disparition devant la porte de Mamie, réclamant du gâteau au chocolat et des caresses en se frottant sur ses frêles jambes. C'était il y a presque huit ans.

Aujourd'hui, Papi-chat est parti à son tour: peu de temps après l'hôspitalisation de Mamie, il a fini ses jours sous les roues d'une voiture. Ironique, lorsqu'on sait le peu de voitures passant dans le coin... Et Mamie? Mamie voit à regret se tourner la dernière page de son livre. Elle qui a toujours été autonome, dans sa grande maison vide et qui, jusqu'au dernier moment nous préparait ses crèpes dans des poêles tellement brûlées qu'elles en avaient la couleur de la suif,  avec tant d'huile que l'on peinait à distinguer la pâte dessous, elle doit aujourd'hui lutter pour se rendre jusqu'à son fauteuil de chambre: dans une maison de retraite remplie de gens qui divaguent, elle ne marche même plus. Alors Mamie, elle n'a plus le moral. Elle ne veut plus se battre mais elle ne peut pas partir non plus. Parce qu'on n'imagine pas à quel point c'est dur de quitter ceux qu'on aime pour l'inconnu - inconnu qui prend souvent des allures de Néant lorsqu'on arrive à sa porte. Et aujourd'hui, je suis assez grande pour sentir le mal que ça fait de voir s'éteindre une personne que l'on aime. Avec elle, c'est tout un pan de vie qui s'effondre: la grande maison qu'elle habitait encore, celle qui a abrité tant de nos jeux d'enfants, celle qui a écouté les pleurs et les joies de ces êtres dans son ventre, va être vendue  pour payer la maison de retraite. Et Mamie ne nous fera plus ses crèpes ou ses beignets, elle ne tournera plus la broche pour nous faire des gâteaux traditionnels. Elle ne lira plus ses romans à l'eau de rose au coin du feu ni ne fera ses quelques pas dans son immense jardin, désormais déserté de ses poules et de ses cris d'enfants. 

Mamie est désormais enveloppée dans un grand voile de tristesse. La sienne, indéniablement, celle de ses enfants car, peu importe notre histoire, une maman occupe toujours une grande place dans notre coeur et il n'est jamais vraiment possible de combler ce vide, et toute celle de sa famille. Je suis loin et impuissante: je ne peux pas montrer à ma Mamie que je l'aime et pense à elle, je ne peux pas réconforter ma maman qui souffre tellement que l'on en ressent des secousses jusque de ce côté de l'océan et je ne peux que penser très fort à elles, à eux, à cette fin qui s'annonce et qu'on ne voudrait jamais lire. Finalement, on ne veut pas savoir la fin du livre: elle est toujours triste. Peu importe l'histoire, elle ne s'épanouit que dans les larmes et le vide. 

Alors je pense à ma Mamie et à ma Maman. Très très fort. Je vous aime.