4 septembre 2012

2012

2012 - La fin du Monde. Peut-être a - t'on mal compris: ce n'est pas la destruction de la Terre qu'avait prévu les Maya, c'est la fin de notre monde à nous, à nos sociétés. Dans mon petit quotidien, entourée de mes proches, j'ai l'impression qu'il tombe en déliquessence... Nous avons payé notre tribut de deuils depuis le début de l'année, maintenant c'est au tour de la détresse impuissante de faire son entrée. La tristesse profonde, le désarroi sans fin, c'est comme la puie: on ne peut pas la rater. Je raconte souvent cette anecdote qui m'est arrivée l'an dernier, alors que j'accompagnais Jules à l'enterrement d'un ami de son père dont il connaissait le fils. J'avais croisé l'ami en question quelques-fois mais sans vraiment lui parler - et je n'avais jamais rencontré le fils. Pourtant, lorsqu'il a pris la parole à l'église pour, une dernière fois, rendre hommage à son papa, un immense flot de tristesse a envahi la salle, me submergeant sans prévenir. J'ai pleuré comme une madeleine. Non pas pour le monsieur que je ne connaissais pas vraiment, mais parce que je pouvais presque toucher l'incommensurable détresse de ce garçon de 33 ans qui avait soudain l'air d'en avoir 5 devant le cercueil de son papa et qui tentait tant bien que mal d'avoir l'air fort pour cet ultime au-revoir. Oui, la tristesse est ineffable mais nul n'est besoin de mot quand elle se manifeste avec autant de force... 

Alors, quand elle émane d'un être proche de vous, quand elle suinte de quelques mots tremblants dans un combiné de téléphone ou quand elle se devine derrière un regard absent, cela devient juste insoutenable. Personnellement, ma réaction est presqu'immédiate: je parle, vite, sans vraiment réfléchir. Je raconte n'importe-quoi, je tape allégrèment dans la dérision, plus allégrément encore dans l'auto-dérision, je ne veux qu'une chose: l'entendre rire. Parce que, si elle rit, cela veut dire qu'elle est encore là. Si elle rit, cela veut dire que la pesante tristesse n'a pas encore tout recouvert de son épais tapis de larmes. Alors, je m'auto-flagelle, je raconte des anecdotes insignifiantes avec parfois un brin d'exagération : rien n'est de trop pour un sourire, pour un rire, pour un moment de paix.

Je suis la petite de la famille. Personne ne me parle vraiment car il faut me protéger ou tout simplement parce qu'on ne s'aperçoit pas vraiment que j'ai grandi. Pourtant, j'ai l'impression que je ressens chaque tristesse, déception, colère ou joie de mes proches avec autant de vigueur que si c'était les miennes. Cela rend mon impuissance d'autant plus douloureuse: je sais mais je ne sais pas vraiment. Je voudrais briser la carapace de chacun de ces êtres qui me sont si chers pour prendre un peu de leur détresse et la ranger avec les miennes: j'ai de la place dans ma tête et dans mon coeur - je peux en prendre. Mais je suis aussi maladroite: il n'est pas facile de tendre la main à quelqu'un sans avoir l'air de vouloir fouiller son jardin secret. Alors, je botte en touche, je me réfugie derrière mes mauvaises blagues, mon auto-dérision pour faire rire et espérer, ainsi, retenir un peu de mes proches près de moi.

2012, Fin du Monde. 2012, Fin de mon monde. Cette fois, c'est sûr, je ne suis plus une enfant et il n'y a pas de retour en arrière possible.