Lorsque nous étions enfants, ma soeur et moi, nous avions pour précepte de ne jamais nous emballer pour un projet qui nous tenait à coeur. Il fallait feindre l'indifférence afin qu'il ne prenne pas peur et ne disparaisse pas dans un claquement de doigt. Genre, au cas où il se serait aperçu de l'effet qu'il nous faisait. Assez ironiquement, Murphy et ses lois n'étaient pas loin de nous donner raison: crois trop en quelque chose et l'imprévu oublié se manifeste dans la seconde. En vérité, c'est certainement que nous sommes plus sensibles à l'échec d'un projet qui nous tient à coeur qu'à celui qui nous indiffère. Toujours est-il que nous avons, toutes les deux, gardé cette habitude de ne jamais tirer de plan sur la comète, dès fois que la dite comète nous éclate au visage. Parfois, cependant, je dérape. Persuadée d'avoir analysé toutes les inconnues d'une équation, je me laisse aller à croire que je vais vraiment réaliser mes projets. Comme ma thèse par exemple. J'y ai cru, ces dernières semaines. Vraiment. Trop sûrement. La chute ne fait plus que mal. Depuis que, mardi, mon directeur m'a rendu des commentaires dont la cohérence me semble parfois mystérieuse, je reste figée dans un état second. C'est un peu comme avoir annoncé à un marathonien qui croyait avoir passé la ligne d'arrivée après des heures de course qu'il s'est fourvoyé. Le contrecoup est d'autant plus rude, d'ailleurs, que le coureur ne comprend pas ce que lui demande son entraîneur, prenant son regard désabusé sur sa course comme un indice du peu d'estime qu'il octroyait à ses capacités. Bien-sûr, ce n'est sûrement que de la paranoïa liée à sa fatigue: en bout de course, l'énergie et l'envie ne sont plus là. Le désespoir de la désillusion, par contre, est en méga forme pour prendre la relève. Eh bien, je me sens un peu comme ce marathonien.
C'est toujours compliqué de partager ce découragement avec ceux qui vous entourent et qui n'ont jamais connu la solitude et les efforts que demandent un travail de si longue haleine. Au fond, à leurs yeux, cela reste l'exercice d'une passion, des recherches poussées sur un sujet qui nous titille, sinon pourquoi nous serions-nous lancé dans pareille entreprise? Il est vrai qu'il y a toujours une part de ce rêve lorsqu'on se lance en thèse. L'envie d'en savoir plus, le désir d'accomplir quelque chose dont on pourrait être fier habitent une petite partie de notre coeur. Mais c'est aussi beaucoup de sacrifices que j'impose, pour ma part, à ma famille et à Jules. À moi aussi, d'ailleurs, dans une certaine mesure. J'ai renoncé à mon indépendance, à mon autonomie et je suis devenue un poids financier pour les autres. Depuis que je suis sortie du lycée, j'ai toujours voulu me libérer de ce côté parasite. Je voulais pouvoir faire des choix sans les faire assumer par ceux que j'aimais. Je m'étais plutôt bien débrouillée jusqu'à mon entrée en Doctorat. Cela rend d'autant plus amer le constat d'échec de ces dernières années, à la charge des autres, dans l'attente d'une lumière au bout du tunnel. Mais quelqu'un a visiblement touché à l'interrupteur : alors que je croyais enfin l'atteindre, tout est redevenu soudainement sombre et confus.
Au fond de moi, je sais que je ne devrais pas être aussi découragée pour quelques corrections supplémentaires. Pourtant, mardi, une pierre s'est installée dans mon estomac et ne semble pas décidée à bouger. Dans mon monde idéal, je terminais ma thèse, je trouvais un travail et je rendais à tous ceux qui m'avaient portée jusque-là toute la gloire qu'ils méritaient. Dans mon monde idéal, mon entraîneur croyait en moi. Dans mon monde idéal, lorsque je franchissais la ligne d'arrivée, rien ni personne ne pouvait plus m'enlever ma couronne de lauriers. Dans mon monde idéal.
Gigi : Ça m’attriste de te voir si désabusée:(
RépondreSupprimerJ’espère que cette déception ne va pas te couper l’envie d’écrire ! Bon courage !
C'est rien, mamselle. Ecrire me permet aussi d'extérioriser donc ça va mieux. ^-^ Après, c'est sûr que je serai encore plus en forme une fois que toute cette histoire sera terminée.
RépondreSupprimerMerci pour les encouragements! ^-^
Gigi : Ah ça me rassure. En plus avec le titre « une lumière au bout du tunnel … » ça faisait un peu peur ! ça va mieux quand on lit la suite de l’article. :)
RépondreSupprimerJe t’envoie plein d’ondes positives pour que tu retrouves une forme olympique !!!! (si ça marche, je monte un business sur le net :)