Lorsqu'on aime écrire passionnément, il est indéniable qu'on est flatté lorsqu'on reçoit des retours positifs sur notre style et notre art de créer des histoires. Je suppose qu'il doit en être de même pour tous les artistes en général, qu'ils soient chanteurs, peintres ou ... mangaka. Voyez-vous où je veux en venir? Le 11 mars dernier, la Nature a, une fois de plus, montré toute sa puissance et toute notre insignifiance face à elle, en balayant, en l'espace de quelques heures, des dizaines de milliers de vies humaines sur les côtes nord-est japonaises. Le tremblement de terre, parmi les plus violents de ces dernières décennies, s'est accompagné d'un Tsunami qui a emporté avec lui tout ce qui se trouvait sur son passage. Et il s'en trouvait des affaires, apparemment: entre les nouvelles annonçant que 10 000 sur les 17 000 personnes d'une ville sont portées disparues ou les alertes à l'explosion nucléaire, le monde entier retient son souffle - le regard rivé sur le Japon.
-" Quel est le lien avec les artistes et leur reconnaissance?"
J'y arrive. Personnellement, je suis une adepte du Japon en général mais aussi, à l'instar de millions d'autres personnes, de ses productions de japanimation ou de mangas. Pourtant, lorsque j'ai voulu m'informer sur l'importance du cataclysme au pays du soleil levant, je ne m'attendais pas à tomber sur autant de sites ou de messages de fans de ces séries, telle que Naruto mettons, qui posent la question sur tous les forums du monde et dans toutes les langues: "est-ce que Masashi Kishimoto est vivant? Va-t-il reprendre normalement la production de son manga?"
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Ok, c'est parce que je me demande ce que ressentirait l'auteur en question. D'un côté, c'est flatteur: cela démontre le succès de notre création. D'un autre côté, c'est presque indécent: ton pays vient de subir son plus grave traumatisme naturel depuis plus d'un siècle, tu es dans l'expectative pour savoir si, oui ou non, tu vas devoir, en plus, te ramasser avec un nuage radioactif au dessus de ta tête, voire tu attends des nouvelles de membres de ta famille, et là, tu reçois une quantité phénoménale de messages qui réduisent ton traumatisme à : est-ce que le prochain Naruto sera publié dans les temps la semaine prochaine? En clair, ce qui transparaît de cette inquiétude générale pour le mangaka, c'est une angoisse quant au manga en lui-même. L'auteur a été tellement bon qu'il vient de se faire dépasser par son histoire: ce n'est pas vraiment pour lui qu'on s'inquiète, mais bien de l'avenir qui est réservé à son manga. Là, je me demande ce que ça doit faire, pour un auteur, de se voir ainsi associé, voire dissimulé, par sa propre production.
Remarquez, je ne critique pas. Peu importe la motivation, ce séïsme a soulevé plus de réactions sur la toile que celui qui s'est produit en Haïti. Il faut dire que là-bas, les auteurs de dessins-animés ou de bandes-dessinées ne sont pas légion. Mais c'est quand même un peu triste, non? C'est un peu comme si notre souci de l'Autre, de son devenir, ne nous importait vraiment que si cela modifie notre quotidien. Entendons-nous bien: je suis fort aise de savoir que les mangaka sont sains et saufs et qu'ils ne font pas partie des milliers de corps à repêcher. Mais, spontanément, je n'aurais pas cherché à savoir si eux, plus que les autres, avaient survécu. Ça me semble presque malsain comme réaction car elle place une hiérarchie d'importance entre les victimes. Les mangaka d'abord et les autres ensuite. C'est étrange.
Bon, bien-sur, ce ne sont pas tous les fans de manga qui ont eu ce comportement. Mais même s'ils ne sont qu'une poignée qui se sont accaparés Internet pour faire passer leurs inquiétudes, ça m'a quelque peu désarçonnée. On a beau savoir que certaines oeuvres dépassent leurs auteurs, c'est toujours destabilisant de voir un objet prendre le pas sur une vie humaine.
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