26 janvier 2010

Archives du Musée de la Civilisation de Québec, vous dîtes?

Aujourd'hui, j'ai encore eu la preuve que tout n'est pas comme il paraît. Après mon équipée aux archives de Nicolet, l'ennui de celles du Dartmouth College, je m'attendais à quelque chose de beaucoup plus agréable à celles du Musée de la Civilisation de Québec. La capitale nationale est une grande et belle ville et, ce qui ne gâche rien, on y parle la langue de Molière. Lorsque j'ai retracé mes archives, il était clairement indiqué qu'elles étaient regroupées parmi les documents du séminaire de Québec, au Musée de la civilisation de la dite ville. L'archiviste avec lequel j'avais correspondu les dernières semaines s'était borné à me signaler que je devrais prendre la petite porte à côté de la principale si j'arrivais avant 10h. A vrai dire, j'étais déjà allée assister à un colloque sur la sexualité et les autochtones dans ce musée alors je pensais bien pouvoir retrouver ma route. Oui mais voilà: j'avais compté sans la logique légendaire des fonctionnaires.

-"Bonjour Madame. Je cherche les Archives du musée. 
- les archives? Elles ne sont pas ici."

Plaît-il? Nous parlons bien des archives du Musée de la Civilisation du Québec, à l'intérieur duquel, Ô merveilleux hasard, je me trouve accoudée à un comptoir, m'adressant à deux réceptionnistes tout sourire?

-"Oui, oui! Mais elles sont au Musée de l'Amérique Française, dans la Haute-ville."

Logique. Magnifique plan pour perdre les ennemis: tu donnes le nom d'un autre musée à tes archives, pour être bien sûr que personne ne les trouve. Devant mon air bête, l'une des réceptionnistes se sent obligée de sortir un "plan" de la ville: un carré de papier recyclé où deux routes se croisent et où l'on peut admirer trois rectangles, symbolisant les divers musées en question.

-"Vous voyez? Là, nous sommes dans la Basse-Ville. Il vous faut prendre la côte de la montagne, puis...
- Oui, je suis au courant, en fait. Je viens de descendre toute la ville pour vous atteindre...
- Ah oui, c'est ça qui arrive."

Pour ceux qui ne connaissent pas Québec, il s'agit d'une très jolie ville qui rappelle un peu l'Angleterre, avec ses rues piétonnes et ses petites maisons alignées. Juchée sur un promontoire, elle a donc une haute et une basse ville qui ont un dénivelé suffisamment important pour refroidir quiconque serait amputé d'une jambe! Certes, ce n'est pas mon cas mais l'ascension mit tout de même en lumière mon manque criant de Kung Fu des dernières semaines. Parvenue au Musée de l'Amérique Française, je pénétrai dans son enceinte afin de m'informer auprès de la jeune fille de l'accueil de l'emplacement des archives.

-"Elles sont au deuxième sous-s...euh...Attendez!"

Elle décroche le téléphone afin de s'informer auprès d'une collègue de l'emplacement des archives. Un peu plus et je me serais crue à Versailles tant cela semblait compliqué de se retrouver. La jeune fille raccroche:

-"C'est bien ça. Vous prenez l'ascenseur au fond de la chapelle et c'est au cinquième étage."

Je haussais un sourcil, autant pour le "c'est bien ça" que pour la mention de "chapelle". Je suivis la direction de sa main et me retrouvai, en effet, au cœur d'un antre religieux. Ces lieux ont toujours tendance à me mettre mal à l'aise, pour une raison obscure. La richesse qui les ornent me plongent toujours dans des états réflexifs trop intenses. Je la traversai donc à grandes enjambées et rejoignis les ascenseurs. Je passai les portes et gardai mon doigt en suspension devant les touches.

"SS", "RC", "1 (chapelle)".

Le cinquième étage vient d'être absorbé par une faille temporelle ou la fille de l'accueil est une sinistre inconnue qui s'est assise derrière ce bureau parce qu'il y avait de la lumière? Faute de vraiment savoir par où aller, je retourne dans la chapelle et vais interroger les deux femmes qui rient bruyamment, assises à leur table de "bonnes oeuvres". Je pose ma désormais sempiternelle question:

-"Les archives, s'il vous plaît? Il paraît qu'elles sont au cinquième éta...
- Ah mais pas dans ce bâtiment!" s'exclame l'une de mes interlocutrices.

Hin!Hin!Hin! Bien-sûr! Pourquoi aurais-je pensé que c'était dans ce bâtiment, Musée de l'Amérique Française, alors que toutes les réceptionnistes de cette ville ne savent visiblement pas ce que le mot "archives" signifie! La dame me raccompagne jusqu'aux ascenseurs et me désigne, par la fenêtre, un bâtiment en contrebas.

-"Vous devez prendre l'ascenseur pour sortir dehors et marcher jusque là bas."

Soit. Je rentre à nouveau dans la boîte de conserve mobile et appuie sur RDC car Rez de Chaussée donc, dans un raisonnement clairement naïf et précipité de ma part, la sortie! Que nenni! Le bouton ne fonctionne pas: c'est un genre de décoration faschion. Ma seule option est donc le Sous Sol. Je m'y résous: je ne vois pas pourquoi un couloir bleuté ne me conduirait pas dans les entrailles du bon bâtiment. Après moult détours, me voici dans l'entrée de mon objectif:

-"Bonj...
- C'est pour les archives?
- Euh...Oui.
- 5e étage. Mettez votre manteau dans l'entrée et prenez l'escalier derrière."

"Derrière". Il n'y en a pas mais l'inverse, j'en suis sûre, m'aurait fait sursauter. D'un côté du couloir, des toilettes arborent leurs magnifiques pancartes de bonshommes allumettes et, de l'autre, une porte fermée avec inscrit en gros: Entrée interdite. Une femme en sort:

-"Bonjour. Je cherche l'escalier pour monter aux archives.
- Il est devant l'accueil.
- Pour les archives? Parce qu'on m'a dit..."

La femme a déjà disparu dans les limbes des toilettes. Je n'avais sûrement droit qu'à une question et je l'ai gaspillée. Je reviens donc en avant, passe devant les dames de l'accueil qui discutent, monte le premier escalier... et me heurte à une corde. Le second est barré. En outre, l'escalier s'arrête au troisième étage: j'imagine qu'il faut prendre un tapis volant pour le reste du trajet. Je me penche par dessus la rambarde et apostrophe les dames de l'accueil. Une pointe d'agacement dans la voix:

-"Excusez-moi! C'est bien cet escalier pour les archives?
- Nooooooon! Descendez tout de suite! Derrière, vous a t'on dit. Tenez! Suivez Trucmuche (j'ai oublié son nom)."

Je redescends, le sarcasme au bord des lèvres. Sans mot dire, je suis Trucmuche qui m'entraîne derrière la porte arborant "Entrée interdite" d'où était sortie ma brave Ariane qui ne semblait pas du tout disposée à faire de moi son Thésée! Cinq étages plus tard, je m'installe enfin dans les Archives, avec plus de une heure quarante de retard sur mon planning...

Finalement, à Nicolet, c'était vraiment les meilleurs!

24 janvier 2010

Le poids des mots.

Je le craignais. Je le redoute tous les jours avec autant de force que mes cauchemars nocturnes. Je ne parviens jamais à m'en protéger totalement. Le poids des mots. Des mots à priori si insignifiants pour qui les prononce mais plus douloureux qu'un coup dans l'estomac pour qui les reçoit. Ces mots, prononcés distraitement, parce que, de toute façon, je suis guérie: je suis loin d'être maigre, je mange mal, je ne parle plus de mes angoisses liées à mon physique. Il est évident pour tout le monde que je suis guérie. Un peu comme le rhume: une fois que tu n'as plus le nez qui coule, on n'a plus besoin de faire attention. Tout est terminé...

-" Ta soeur est vraiment fine." "On ne dirait pas que tu as été anorexique, toi." "Tu n'es pas maigre"...

Toutes ces phrases qui ne se veulent rien d'autre que ce qu'elles sont me renvoient pourtant à ce que j'ai eu tant de mal à fuir. Cette adolescence sombre et vide où j'avais le sentiment d'être une pâle copie ratée de ma soeur, où je n'avais trouvé comme seule solution pour exister que de disparaître. Ces phrases m'y replongent. J'ai honte de raconter que j'ai été anorexique pendant près de sept ans notamment parce que je sais que j'aurais droit à une remarque de ce style:

-"Ah bon? On dirait vraiment pas!" ou " Tu es pourtant loin d'être maigre!"

Comme s'il fallait que je montre mes prises de sang pour montrer mes carences ou que je garde quelques parties de mon corps squelettiques pour prouver mes dires! Je n'aime pas cette partie de ma vie, j'abhorre l'être que j'étais devenue et la souffrance que j'ai infligé à ceux qui me sont chers. Mais je n'y peux rien désormais: elle fait partie de moi et je garde encore des séquelles de cette obscure période. Mes proches savent la douleur et la fragilité qui en résultent, ce qui crée parfois des situations étranges où ils montent au créneau pour me protéger de remarques, à priori, insignifiantes. Mais la plupart des personnes, même parmi mes amis, ignorent tout de l'acide que ces petites phrases distillent dans mon corps. Et je ne dis rien. Je souris en hochant la tête: je sais que je suis loin d'être maigre, je sais que ma sœur a l'air malade, je sais que j'ai l'air de ne rien faire pour l'aider. Je ne dis mot mais j'ai envie de hurler. J'ai envie de me terrer dans un coin et de me laisser dessécher jusqu'à ce que mort s'ensuive. Car elle ressort, elle, l'Autre, celle qui a régi ma vie durant plus de sept ans, afin que je ne devienne, littéralement, plus qu'une ombre. Elle continue de vivre en moi, même si j'ai l'air en pleine santé, et elle n'attend que ces remarques pour appuyer sur une plaie qui ne cicatrisera jamais vraiment. Mais je suis guérie, n'est ce pas? J'ai un poids santé, je suis guérie, j'ai un poids santé, je suis guérie, j'ai un poids santé, je suis guérie...

Alors, pourquoi je me réveille encore en pleurs après ces remarques? Pourquoi j'ai aussi mal à l'intérieur? Pourquoi j'ai l'impression de glisser à nouveau dans l'ombre, de redevenir ce non-être de mon adolescence? Pourquoi je me surprends encore à compter les calories, à regarder avec dégoût ce corps qui est le mien?

Ces petites phrases qui ne sont rien hantent ma vie. Je sais qu'elles ne se veulent pas méchantes ni même un indice que je suis grosse. Mais elles brisent ma fragile carapace. Peut-être devrais-je achever ce livre sur mon petit Enfer adolescent personnel afin de véritablement tourner la page et ne plus laisser ces insignifiances, à ce point, bouleverser mon être... Je publierai peut-être un extrait, lors d'un prochain billet. Il faudra bien que j'avance...

18 janvier 2010

Six ans plus tard, toujours là!

Hier soir, l'obscurité de la nuit m'a à nouveau enveloppée en solitaire, sans son ordinaire compagnon qu'est le sommeil. Durant près d'une heure, j'ai contemplé les ombres curieuses que produisaient les divers objets sur le plafond. Pour une fois, cependant, ce qui me retenait loin des bras de Morphée n'avait rien à voir avec mes habituels cauchemars ou mon frère. Non, hier soir, allongée aux côtés de Jules, je songeai que, en dépit de toutes mes peurs viscérales, de mes inquiétudes perpétuelles et de mon pessimisme incurable, j'étais vraiment gâtée par la vie et je grommelais la bouche pleine. (Il n'y a évidemment aucune allusion graveleuse dans cette phrase...)

Certes, Jules a ses défauts: l'être parfait, étant différent pour chacun, ne peut objectivement exister. De toute façon, on ne saurait qu'en faire et, étant donné mes nombreuses qualités dans le domaine de la maladresse et de la distraction, je ne tarderais pas à développer un complexe si la perfection émanait de mon compagnon de vie. ^-^ Ceci étant dit, ces défauts sont infimes par rapport à ses qualités: sa patience sans égale par rapport à mes insécurités perpétuelles n'a de cesse de m'étonner. Je me montre toujours d'un cynisme crasse à l'égard des relations amoureuses alors que je suis, secrètement, l'être le plus fleur bleue au monde. Je râle parce que je n'ai pas de fleurs, parce que je semble parfois être la seule à prendre des initiatives pour sortir du rythme routinier de notre vie, mais n'est-ce point infime en comparaison de ce qu'il est? L'aporie causée par mes doutes constants quant à la durée de vie d'une relation amoureuse et ma propre vie se manifeste régulièrement: il n'y a pas si longtemps, elle a éclaté en une crise violente, de plusieurs mois, difficile à appréhender et à gérer. J'étais devenue tellement infecte que je semblais tout mettre en œuvre pour que mes visions pessimistes et tragiques de la vie amoureuse se reflètent dans ma réalité. Rétrospectivement, je songe que j'ai du blesser Jules avec tant de force qu'il me paraît presque irréel qu'il m'ait pourtant attendu, qu'il ait patienté le temps que je panse mes plaies et que je dissolve ma peur croissante du mot "deux" dans un mélange de sentiments doux et de rationalité parfois utile. Alors, bien-sûr, tout n'est pas tout rose: je vais sûrement trébucher encore bien des fois sur ce chemin de vie à deux. J'ai beaucoup trop de choses à apprendre pour ne pas faillir à nouveau. Mais je sais, au fond de moi, que j'ai trouvé la meilleure personne pour m'aider à me relever et à avancer sur cette route, finalement, pas toujours semée d'embûches.

J'ai de la chance et, hier, le 17 janvier, cela a fait six ans que ma poisse, si appliquée à l'ordinaire, a fermé boutique dans le milieu amoureux afin de mieux se consacrer aux autres spécialités de mon quotidien! Ma foi, pour cette fois, je ne regrette pas la délocalisation! ^-^

Bon anniversaire, Jules! ^-^

10 janvier 2010

La mort a finalement vaincu Mano Solo!



Vieillir est un phénomène naturel. Je n'ai aucun problème à l'assumer dans l'absolu, quand bien même j'ai du mal à accepter la vie adulte. Comme le déclarait si joliment Jacques Brel, il suffit de savoir  devenir vieux sans être adultes! ;)

L'une des tragédies du temps qui passe, cependant, est qu'il emporte avec lui tout ce qui a meublé notre enfance et notre adolescence. Depuis deux ans, les icônes de ma jeunesse disparaissent toutes plus rapidement les unes que les autres. Hier, c'était Lhasa, aujourd'hui, c'est Mano Solo. Mano Solo...Celui qui chantait la mort et la misère pour les effrayer elles-mêmes, en espérant que, lorsque viendrait le grand squelette à la faux, il ne serait pas là pour l'accueillir. Celui qui nous a fait vibrer, mes amis et moi, au son de ses albums, tantôt tragiques, lorsque la douleur du désespoir se faisait trop intense, tantôt plein d'espoir. Celui, enfin, qui lutta contre le Sida durant près de 15ans... Il est parti dimanche, des suites de plusieurs ruptures d'anévrisme, à l'âge de 46ans.

Mano Solo et sa voix éraillée ont marqué des générations d'adolescents en France, tout au moins. Ses œuvres abordaient tant des problèmes de société que ses difficultés personnelles, liées à la drogue et à la maladie. Je n'ai pas écouté ses chansons depuis quelques années, maintenant, je dois l'avouer, non par désintérêt de son travail mais plutôt par laissez-aller: on change de continent, on découvre autre chose et, finalement, on se réveille un matin et on s'aperçoit qu'on a laissé bien des bagages en chemin. L'avantage des artistes est sans aucun doute qu'ils laissent des traces indélébiles de leur passage sur cette Terre: ils ne meurent jamais complétement et leur âme semble s'être réfugiée dans ces œuvres dans lesquelles ils ont consacré autant de temps, d'énergie et de cœur. Mano Solo, Lhasa: ils sont encore présents dans leur musique et, s'ils emportent avec eux une myriade de souvenirs et un peu de notre être, ils nous laissent le plus beau des héritages.

2009 aura été marqué par les disparitions, plus ou moins médiatisées, des artistes des trente dernières années: qu'on les apprécie ou pas, Michaël Jackson, Alain Bashung, Patrick Swayze et autres ont tous inscrit leur nom en lettre d'or dans l'histoire de leur art. Quoique j'ai pu montré quelques réserves quant au cirque médiatique entourant le premier et que je n'étais pas une fan accomplie du dernier, leur disparition m'a tout de même causée surprise et nostalgie: à travers eux, ce sont les années passées qui nous paraissent plus lointaines et la brûlure du temps se fait plus vive. Avec Bashung, Lhasa, et, désormais, Mano Solo, c'est de la tristesse qui envahit pernicieusement mon être. On dirait que le temps veut refermer un livre que j'hésitais à finir...

Je vais aller découvrir les derniers disques de Mano Solo, aujourd'hui. Ce sera un peu sa journée, ainsi.

5 janvier 2010

Sigmund est entré dans ma vie!

Il y a des journées comme hier où tout semble comploter pour vous donner un avant-goût de l'Enfer. Déjà, se lever avec trois heures de sommeil dans le corps, les cinq autres ayant été avalées par d'insatiables cauchemars, n'est jamais un bon départ. En janvier, on dirait que la noirceur de la nuit colle aux trottoirs glacées et les rayons de soleil ne parviennent qu'à grand-peine à la déchirer. Je ne suis pas vraiment un oiseau de nuit: sans soleil, je dépéris. Sans lumière du jour, je suis aussi vive que du lichen au pied du sapin de Noël...

7h15: je m'ébouillante en voulant remplir la bouilloire. Autre indice de "retourne te coucher, malheureuse! Tu cours vers ta mort! ". Oui mais voilà: à priori, du lichen, ça ne pense pas. De fait, je ne réfléchis pas le matin: j'automatise mon début de journée. Une heure plus tard, alors que j'absorbe le liquide bouillant de mon thé non infusé, mon ordinateur décide qu'il cesse les sommations et les cris de détresse pour prendre sa retraite. Mon graveur de DVD meurt sans avertissement, mon disque de Back-Up, parce que je suivais consciencieusement ces conseils judicieux de Back-Uper mes données, prisonnier de ses entrailles.Vous me direz, depuis six mois que j'ignorais sciemment ses avertissements concernant la batterie, ses sautes d'humeur concernant l'allumage ou encore ses performances de feuille morte pour ouvrir des pages, j'avais de bons indices que mon engin me préparait une mutinerie de cet ordre. La procrastination, cependant, est devenu mon modus operandi pour toutes les étapes trop matérielles de ma vie. Bref, en ce lundi 4 janvier 2010, il n'est même pas 8h30 et je suis déjà fatiguée...

Après un rapide passage en revue de mes possibilités, telles qu'écrire ma thèse à la machine à écrire ou dresser mes chats à écrire en sténo, j'en arrive à  la conclusion inéluctable que je dois bien avoir quelques 600 dollars de trop qui traînent quelque part. Certes, j'empruntais d'abord des ordinateurs environnants et, à priori, non utilisés. Ce ne pouvait, cependant, qu'être temporaire car on en revient toujours à la même affaire: ces petits engins font tellement partie de notre quotidien qu'on en devient presque territorial. Je ne pouvais user longtemps du bien d'Autrui et miser sur cet atout... Je ne suis plus, de toute façon, à cet imprévu, somme toute un brin prévisible, près!

Bref, 600 dollars plus tard, nous voilà, Sigmund (c'est son petit nom) et moi, assis dans notre bureau en train de nous apprivoiser. Je m'étais tellement habituée aux trois heures trente de démarrage de son prédécesseur que je m'étonne toujours de sa vitesse d'exécution. Presque que je l'allumerais toute la journée, histoire de voir si je peux le prendre en défaut au moins une fois.

Tout n'a pas été négatif en ce lundi de rentrée brutale dans l'année de tous les vices (ça rime avec 2010...). Lueur d'espoir dans un monde de brutes: j'ai rejoint deux amis au Salon de thé le Gitana afin de partager un peu d'eau chaude aromatisée et une shisha: ce fut un moment fort agréable, tout d'abord parce que je ne les avais pas vus depuis longtemps (ou presque), la période des fêtes n'étant jamais la plus propice aux rencontres, mais aussi parce que j'ai ainsi pu sortir de ma tête: un luxe qui devient rare. Pour être honnête, je ne devais pas être la plus agréable des convives: les mots s'envolaient de mon esprit avec plus de vélocité que ma bouche ne pouvait les articuler. Je bafouillais avec plus d'aisance que lors d'un oral: étrange sensation que de ne pas être capable de sortir de son état de lichen alors que la lumière du jour nous baigne depuis une coupe d'heures, déjà. Au fond, ce n'est pas très important: juste écouter, être là, entre amis, c'est déjà réconfortant.Ces quelques heures m'ont permis de recommencer à respirer: j'avais arrêté sans m'en rendre compte.

Parfois, je voudrais ne jamais rien ressentir: devenir véritablement un androïde afin de ne plus être soumise aux aléas de mon cerveau décalé. J'ignore pourquoi certaines choses me blessent alors qu'elles ne me concernent même pas. Je voudrais comprendre pourquoi mes émotions fonctionnent au diapason des gens qui m'entourent sans que je les contrôle, comme si je ne m'appartenais plus. Certains diront que sans émotions, la vie n'aurait pas de sens et que ce que nous ressentons au contact des autres prouve que nous sommes humains. Je persiste cependant à croire que je m'attache trop aux choses, trop vite, trop souvent, sans logique apparente. Lorsque je me réveille sous des douches glacées, il est déjà trop tard. C'est définitif: mon cerveau ferait vraiment un excellent sujet d'études psychiques...Vivement mon don d'organes! ;)

Bon, je m'en retourne à Sigmund. Des relations sociales, ça se tisse tôt! ;)

4 janvier 2010

Un dernier Adieu pour Lhasa de Sela.



6h40. Les informations mettent un terme au fil ininterrompu de mes cauchemars: cette nuit encore n'aura pas été des plus reposantes. Je me demande toujours d'où sortent certains de mes mauvais rêves: un tsunami dévastant un poste avancé de l'armée a t'il vraiment un sens dans ma vie quotidienne? Les méandres de l'esprit sont parfois bien difficiles à suivre.

Les nouvelles de ce matin m'ont portée un coup dur: j'ai appris que Lhasa de Sela était morte le premier janvier dernier, des suites d'un cancer du sein, à l'âge de 37ans. Déjà, j'ignorais qu'elle était malade, alors le choc fut grand d'apprendre qu'elle était passée de vie à trépas aussi brutalement. En outre, 37ans est tout de même bien jeune pour succomber à un cancer du sein! Certes, la maladie demande rarement nos cartes d'identité avant de frapper mais il n'empêche que cela paraît toujours plus injuste lorsque la victime n'a pas atteint la moitié de l'espérance de vie générale.

J'ai découvert Lhasa grâce à mon frère, il y a quelques années de cela. Je ne suis pas, à vrai dire, une bonne référence dans les arts, quels qu'ils soient, mais j'aimais beaucoup son style de musique. Les médias parlaient souvent de musique métisse, à l'image de ses origines mexicano-américaines. Mon frère avait coutume de dire qu'elle avait une voix vibrante qui résonnait en nous pour venir chercher notre côté émotionnel. Il est vrai que sa musique me plonge toujours dans une étrange nostalgie.

Lhasa venait de sortir un disque en anglais, en avril dernier, et elle avait entamé une tournée lorsque sa maladie, déclarée deux ans plus tôt, a pris le dessus sur sa volonté. Elle dut alors interrompre son voyage mais rien n'y fit. Elle nous quitte donc, comme beaucoup d'artistes de talent, au sommet de son art. Salut à toi, Lhasa de Sela.