Le voyage et la découverte: il est désormais notoire que ce sont, à mon sens, de merveilleuses opportunités que notre condition humaine nous permet de réaliser sur cette planète malade. Paradoxalement, cependant, relativement peu de monde en profite. Le syndrome de la procrastination est rapportée au voyage:
-"J'aurai le temps plus tard!"
Ou, comme me répondait récemment un de mes amis:
-"J'irai après avoir remboursé ma dette d'études."
Bref, nous attendons un signe mystérieux, nous repoussons l'échéance et, très rapidement, sans même nous en rendre compte, nous tombons dans l'engrenage de notre société, toujours trop pressée. Parfois, le besoin de sortir de notre vie devient trop pressant, alors nous nous payons un "tout-inclus" à Cancun ou Cuba et nous passons une semaine en bikini dans un centre, en tout point pareil à notre confort habituel, dont le seul côté exotique est l'accent des serveurs. En clair, nous nous illusionnons en nous donnant l'impression de voyager, de quitter notre vie pour découvrir une autre réalité, alors que nous ne faisons que reproduire notre vie à l'étranger.
Les société riches deviennent de plus en plus avares de renouveau: elles se refusent à sacrifier leur confort, si chèrement gagné,sur l'autel du voyage et de la découverte de ce qui est différent. J'ai eu l'occasion, grâce à mon père, de participer un jour à ce type de voyage-postiche: je suis partie en croisière sur le Nil avec ma maman. Bon, soyons honnêtes: il serait particulièrement arrogant de ma part de cracher dans le soupe de ce magnifique voyage. L'Égypte est un temple de magnificence et tous les trésors archéologiques dont elle regorge ne sont qu'une partie de sa beauté. Il est des merveilles qui ne peuvent se rendre par la seule voix du langage ou des photographies. La rencontre avec, par exemple, les statues, au temple d'Abu Simbel, de Ramsès II et de sa femme m'a bouleversée.
Bref, il est indéniable que ce voyage, quoiqu'organisé jusqu'aux soirées de jeu faussement conviviales, demeure un excellent souvenir et une chance inouïe de pénétrer ce monde merveilleux, vestige d'une civilisation perdue. Pourtant, les personnes qui étaient présentes lors de ce séjour m'ont renforcée dans mon opinion négative quant à l'intérêt de ces séjours avec Gentils Organisateurs. Méprisants, arrogants, irrespectueux, certains de mes compagnons de voyage se comportaient plus mal que les colons qui avaient envahi l'Afrique quelques siècles plus tôt. J'ai eu honte plus souvent qu'à mon tour d'appartenir à cette société dont les membres, imperturbables, étaient capables de déambuler au milieu de la Vallée des Rois en jetant leurs mégots sur le sol. Vous me direz: il n'est pas besoin d'aller aussi loin, ou de prendre un voyage organisé, pour rencontrer ce type de touriste détestable, inconscient des trésors qui l'entourent. Certes, j'en conviens. Pourtant, j'ai le sentiment que, si elle se retrouve aussi à l'état sauvage, cette catégorie d'humains arrogants a un instinct grégaire très prononcé et il est plus fréquent de la reconnaître au sein de sa meute. Entre Lichen, il est plus facile de s'entendre pour gangréner la planète entière.
Pourquoi parlais-je de ça, subitement? Eh bien, ce matin, en buvant mon thé, j'ai lu un article, sur Futura Sciences, disponible ici, qui m'a laissée songeuse. Le fameux logiciel Google Street a annoncé qu'il serait désormais possible de visiter les principaux sites désignés Patrimoine mondial de l'Unesco par le biais de leur site. A mon sens, aussi merveilleuse que soit cette application, cela ne peut remplacer la découverte réelle du lieu: il manque l'émotion liée à la contemplation des vestiges, naturels ou humains, de civilisations, parfois perdues. Rien ne peut remplacer ce sentiment d'être une si petite chose au regard de si grandes réalisations. Ma crainte, cependant, réside dans l'utilisation ou les liens qui peuvent être tissés à partir de cette donnée. De plus en plus, nos sociétés favorisent le virtuel au réel: par le biais des jeux vidéos, notamment avec la fameuse wii, qui offre la possibilité à ses utilisateurs de simuler une activité sportive ou intellectuelle. Entendons-nous bien: j'aime les jeux vidéos et j'apprécie beaucoup jouer à la wii. Mais cela reste ce qu'elle est: une console de jeu vidéo. Je peux jouer deux heures au tennis sur cette plateforme, ce ne sera jamais aussi relaxant et bénéfique que mes cours de Kung Fu. Ce n'est qu'une illusion que nous construisons pour nous mêmes, pour continuer à tisser cette toile de réalité virtuelle qui prend, peu à peu, le pas sur notre réalité. Nous pouvons être ce que nous voulons sur Internet, il nous est possible de tout réaliser, désormais, sans quitter le confort de notre salon. Ce n'est plus de la fainéantise: c'est du renferment sur soi. A quoi bon s'ouvrir aux autres, si nous pouvons nous auto-suffire?
J'avoue: j'évoque la position la plus dramatique de notre société. Beaucoup savent faire la différence entre le virtuel et le réel. Pourtant, l'annonce de Google Street me laisse dubitative: ne serait-ce pas une nouvelle occasion de bouger encore moins que ce que nous faisons déjà? Nous pouvons désormais faire le tour du monde, assis dans notre canapé, avec une bière et une tartine de pâté. Quel progrès...
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