-"Je me suis brûlée.
- hein? Où ça?
- Sous l'aisselle, en jouant au volley ball.
- ...
- Je t'assure que c'est logique: j'ai voulu sauter pour pousser la balle de l'autre côté et, en retombant, ben je me suis brûlée sous l'aisselle avec le filet.
- ...
-Quoi?
- Tu as conscience que ça n'arrive jamais, ce genre d'anecdotes? Je veux dire: dans la vie normale de gens normaux.
- Ben... Je l'ai pas fait exprès. Je suis maladroite.
- Et tu as l'art de l'euphémisme."
J'avoue. Un de mes amis soulignait l'autre jour que je n'étais pas vraiment maladroite mais que je manquais simplement de confiance en moi, ce qui m'incitait à paraître malhabile avec mon corps.
Bon. Honnêtement, je le remercie d'avoir tenté de me remonter le moral en mettant en évidence que ce que je prenais pour quelques flocons de neige étaient en fait les émissaires visibles d'une avalanche dévastatrice. Pas qu'on vit mieux en étant simplement maladroite, mais c'est tout de même plus amusant pour notre entourage que d'avoir à faire avec une énième complexée de l'existence, surtout quand celle-ci s'avère être une survivante d'un accident psychologique d'envergure et tellement propre aux sociétés riches de l'occident. Bref, qu'à cela ne tienne, si l'intervention de mon ami m'a prise au dépourvu (je n'ai, pour le coup, absolument rien trouvé à répondre), je peux comprendre ce qui l'a incité à tirer cette conclusion de mon comportement. Les raisons sont certainement semblables à celles qui ont poussé mon yankee préféré à me faire, un jour, cette remarque:
-"C'est fou, le contrôle que tu as sur tes émotions! On dirait que tu ne ressens rien."
C'est mon petit côté androïde. Notez que c'est le fruit d'un long travail et il n'est absolument pas recommandé de tenter ces pratiques en dehors de toute consultation psychiatrique. Mes relations houleuses avec mon corps et ma caractéristique humaine ont provoqué, chez moi, une réaction un peu étrange, d'un point de vue extérieur, qui consiste en une dissociation de l'esprit.
-"Euh... Tu es bi-polaire?"
Je pourrais. Après tout, c'est une maladie très à la mode et je suis bonne pour tomber dans les travers psychiatriques du commun des mortels. En clair, il y a "moi" qui est celle que la plupart du monde connaît, avec un important bagage de blagues posh (une véritable aubaine pour votre mariage, d'ailleurs...), relativement cynique sur ce qui l'entoure et sur elle-même, et très prompte à l'auto-dérision. Une espèce de vieille habitude: comme d'autres se font craquer les articulations lorsqu'ils ne savent pas quoi faire de leurs mains, je m'auto-vanne quand je ne sais pas trop comment me situer. Et puis, vous le noterez à l'occasion, l'auto-dérision passe toujours mieux que la simple dérision. Pour ma part, en tout cas, je préfère me moquer de moi-même avant d'attaquer les autres. Je suis certaine de ne pas blesser ou de paraître juger quelqu'un que je ne connais pas aussi bien que je le crois. Cette tendance a deux conséquences: la plupart des gens ont l'impression que je suis un être "drôle et sympathique", et certains estiment que c'est une couverture éculée pour souligner un manque criant de confiance en moi. Pour ma part, il s'agit plutôt d'une manifestation inconsciente d'une volonté de me faire accepter: un être maladroit et hésitant, ironiquement, est plus souvent apprécié et accepté par les autres qu'une personne arrogante et trop confiante.
Derrière ce "moi" apparent, il y a l'"Autre". Celle dont je ne parle que très peu et en fort mauvais termes. Celle à qui j'impute toutes mes erreurs et mes défauts, la sorcière de ma période sombre, l'allégorie de l'égocentrisme, le côté obscur de la force, bref une mini Dart Vador que je m'efforce de cacher derrière des sourires. Tout un chacun dispose de ce côté moins reluisant dont on n'est rarement fier. Mon expérience avec mon Autre, cela dit, a été tellement intense, mon côté "moi" l'abhorrant avec force durant toute la période où elle dominait, que j'ai réalisé une véritable dissociation des deux. Résultat: tout conflit, toute détresse, toute peur, et, à l'inverse, toute liesse, bref, toute émotion extrême, est bannie de mon côté "moi" pour être contemplée avec un recul froid. De là, mon incapacité à manifester une joie sincère et irréfléchie lorsque je suis heureuse et à me rendre compte que j'ai besoin de pleurer lorsque je ne vais pas bien. De là, finalement, ma tendance à paraître "androïde". Cela aboutit généralement à un débordement, comme j'en mentionnais l'existence dans mon billet sur la désillusion des larmes.
Bref, la mention du "juste milieu" aurait, une fois encore, sa place dans ce billet. A défaut de parvenir à le définir, je préfère encore tomber dans l'extrême du "moi", si étrange et si peu intelligible pour mon entourage. Il me permet de rester proche des gens que j'apprécie, paradoxalement, en levant le nez de mon nombril et en ne me laissant pas tout gâcher pour des niaiseries qui vexeraient mon égo, lequel, somme toute, est plus souvent un fardeau qu'un atout. Enfin, c'est mon point de vue et il vaut ce qu'il vaut. Alors, je m'en doute, tant que je demeurerai ainsi, je devrais toujours lutter contre cette image de petite chose fragile que je renvoie et qui, très souvent, fait peur.
Je me demande, parfois, dans quelle mesure nous sommes vraiment ce que nous pensons être?
- hein? Où ça?
- Sous l'aisselle, en jouant au volley ball.
- ...
- Je t'assure que c'est logique: j'ai voulu sauter pour pousser la balle de l'autre côté et, en retombant, ben je me suis brûlée sous l'aisselle avec le filet.
- ...
-Quoi?
- Tu as conscience que ça n'arrive jamais, ce genre d'anecdotes? Je veux dire: dans la vie normale de gens normaux.
- Ben... Je l'ai pas fait exprès. Je suis maladroite.
- Et tu as l'art de l'euphémisme."
J'avoue. Un de mes amis soulignait l'autre jour que je n'étais pas vraiment maladroite mais que je manquais simplement de confiance en moi, ce qui m'incitait à paraître malhabile avec mon corps.
Bon. Honnêtement, je le remercie d'avoir tenté de me remonter le moral en mettant en évidence que ce que je prenais pour quelques flocons de neige étaient en fait les émissaires visibles d'une avalanche dévastatrice. Pas qu'on vit mieux en étant simplement maladroite, mais c'est tout de même plus amusant pour notre entourage que d'avoir à faire avec une énième complexée de l'existence, surtout quand celle-ci s'avère être une survivante d'un accident psychologique d'envergure et tellement propre aux sociétés riches de l'occident. Bref, qu'à cela ne tienne, si l'intervention de mon ami m'a prise au dépourvu (je n'ai, pour le coup, absolument rien trouvé à répondre), je peux comprendre ce qui l'a incité à tirer cette conclusion de mon comportement. Les raisons sont certainement semblables à celles qui ont poussé mon yankee préféré à me faire, un jour, cette remarque:
-"C'est fou, le contrôle que tu as sur tes émotions! On dirait que tu ne ressens rien."
C'est mon petit côté androïde. Notez que c'est le fruit d'un long travail et il n'est absolument pas recommandé de tenter ces pratiques en dehors de toute consultation psychiatrique. Mes relations houleuses avec mon corps et ma caractéristique humaine ont provoqué, chez moi, une réaction un peu étrange, d'un point de vue extérieur, qui consiste en une dissociation de l'esprit.
-"Euh... Tu es bi-polaire?"
Je pourrais. Après tout, c'est une maladie très à la mode et je suis bonne pour tomber dans les travers psychiatriques du commun des mortels. En clair, il y a "moi" qui est celle que la plupart du monde connaît, avec un important bagage de blagues posh (une véritable aubaine pour votre mariage, d'ailleurs...), relativement cynique sur ce qui l'entoure et sur elle-même, et très prompte à l'auto-dérision. Une espèce de vieille habitude: comme d'autres se font craquer les articulations lorsqu'ils ne savent pas quoi faire de leurs mains, je m'auto-vanne quand je ne sais pas trop comment me situer. Et puis, vous le noterez à l'occasion, l'auto-dérision passe toujours mieux que la simple dérision. Pour ma part, en tout cas, je préfère me moquer de moi-même avant d'attaquer les autres. Je suis certaine de ne pas blesser ou de paraître juger quelqu'un que je ne connais pas aussi bien que je le crois. Cette tendance a deux conséquences: la plupart des gens ont l'impression que je suis un être "drôle et sympathique", et certains estiment que c'est une couverture éculée pour souligner un manque criant de confiance en moi. Pour ma part, il s'agit plutôt d'une manifestation inconsciente d'une volonté de me faire accepter: un être maladroit et hésitant, ironiquement, est plus souvent apprécié et accepté par les autres qu'une personne arrogante et trop confiante.
Derrière ce "moi" apparent, il y a l'"Autre". Celle dont je ne parle que très peu et en fort mauvais termes. Celle à qui j'impute toutes mes erreurs et mes défauts, la sorcière de ma période sombre, l'allégorie de l'égocentrisme, le côté obscur de la force, bref une mini Dart Vador que je m'efforce de cacher derrière des sourires. Tout un chacun dispose de ce côté moins reluisant dont on n'est rarement fier. Mon expérience avec mon Autre, cela dit, a été tellement intense, mon côté "moi" l'abhorrant avec force durant toute la période où elle dominait, que j'ai réalisé une véritable dissociation des deux. Résultat: tout conflit, toute détresse, toute peur, et, à l'inverse, toute liesse, bref, toute émotion extrême, est bannie de mon côté "moi" pour être contemplée avec un recul froid. De là, mon incapacité à manifester une joie sincère et irréfléchie lorsque je suis heureuse et à me rendre compte que j'ai besoin de pleurer lorsque je ne vais pas bien. De là, finalement, ma tendance à paraître "androïde". Cela aboutit généralement à un débordement, comme j'en mentionnais l'existence dans mon billet sur la désillusion des larmes.
Bref, la mention du "juste milieu" aurait, une fois encore, sa place dans ce billet. A défaut de parvenir à le définir, je préfère encore tomber dans l'extrême du "moi", si étrange et si peu intelligible pour mon entourage. Il me permet de rester proche des gens que j'apprécie, paradoxalement, en levant le nez de mon nombril et en ne me laissant pas tout gâcher pour des niaiseries qui vexeraient mon égo, lequel, somme toute, est plus souvent un fardeau qu'un atout. Enfin, c'est mon point de vue et il vaut ce qu'il vaut. Alors, je m'en doute, tant que je demeurerai ainsi, je devrais toujours lutter contre cette image de petite chose fragile que je renvoie et qui, très souvent, fait peur.
Je me demande, parfois, dans quelle mesure nous sommes vraiment ce que nous pensons être?
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