8 juillet 2009

Emotions en Musique.

Je suis toujours étonnée des associations que réalise notre mémoire entre des événements et des détails anodins. L'exemple le plus marquant est certainement la musique: qui ne s'est jamais senti tout chose en écoutant les paroles d'une chanson, évocatrice d'un temps perdu? Lorsque mon premier amoureux m'a quittée, j'ai été incapable d'écouter Black Session de Yann Tiersen pendant deux ans. A chaque fois que j'entendais les premières notes d'un morceau, je sentais mon coeur se serrer et une bouffée de tristesse m'étouffait de l'intérieur. Ce phénomène n'a de cesse de m'étonner: en toute honnêteté, j'ai autant de mémoire qu'un poisson rouge, voire moins par certains moments. Or, les émotions reliées à quelques petits riens du quotidien sont suffisamment puissantes pour secouer la poussière de tous les vieux souvenirs mais également pour en rendre les sensations d'alors tangibles.

D'une nature un brin rêveuse, je me laisse souvent emportée par mes pensées. Lorsque j'entends, par hasard, le son d'une musique évocatrice ou encore lorsque je foule une terre déjà arpentée, en d'autres circonstances, je me remémore le passé. Je me demande ce que deviennent mes compagnons d'alors. Ont-ils trouvé leur voie? Sont-ils heureux? Ont-ils beaucoup changé? Trouveraient t'ils que j'ai beaucoup changé?

Du fait de l'assez longue période de ma vie où j'étais "une autre", mon corps s'est radicalement transformé, il y a sept ans. Lorsqu'il m'arrive de retrouver des amis d'avant ce changement, j'ai toujours un instant d'hésitation. Je crains leur réaction. A l'instar de toute ma famille, j'aurais sans doute droit au rituel:

-"Ah ben tu es guérie! Tu es bien, maintenant!"

Rien de si terrible, à priori. Pourtant, cette intervention est trop reliée à des émotions douloureuses dans mon esprit pour que je la prenne avec un sourire sincère. Lorsqu'une maladie psychologique touche le physique, la plupart du monde pense que tout est réglé lorsque notre corps a repris une apparence "normale" pour la société. Pour ma part, l'année où j'ai rempli les normes, après sept ans de marginalisation, alors que tout le monde se réjouissait de me voir redevenue une "femme", j'ai voulu mourir avec plus de force que jamais. Je n'ai pas réussi et, à posteriori, tant mieux. Pourtant, je sais que tout n'est pas terminé. Même si je contrôle encore ma volonté, je sais que l'"Autre" est encore là, à l'affût de la moindre faiblesse. Je la sens frissonner de plaisir dès qu'une phrase, un regard, une musique me rappellent ces noires années où elle avait le dessus. J'ai des séquelles comportementales, dans mon quotidien, et lorsque ma vie fout le camp par petits bouts, j'ai encore le réflexe de me prostrer dans un coin de ma tête, lui laissant le champ libre. Le propre de ces maladies psychologiques que personne ne comprend et qui effraient tous ceux qui les côtoient est de ne jamais totalement disparaître. Elles se transforment, s'enroulent en silence dans un coin, prêtes à bondir à la première occasion. Parfois, j'ai peur. Mes propres réactions m'effraient: j'ai l'impression de perdre le contrôle, de paver moi même le chemin de ma destruction.

A vrai dire, ces troubles psychologiques ne sont réellement considérés que parce qu'il y a une dégradation physique visible. Ils se déclinent pourtant bien au delà de la seule apparence. Nombre de mes amis se sentent parfois perdre pied. Parce que c'est sporadique, cependant, et parce qu'ils parviennent toujours à reprendre le dessus, ils n'en font pas cas. Je me demande jusqu'à quel point nous pouvons ainsi donner l'illusion que tout va bien. Je devrais le savoir: c'est un peu ma phrase fétiche.

-"Tout va bien. Tout va toujours bien."

Tiens, je vais écouter Emmenez-moi, de Charles Aznavour. Les émotions liées sont heureuses et je penserai à vous, là bas, de l'autre côté de la vaste étendue bleue. Vous me manquez un peu quand même! ^-^

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