28 octobre 2009

Mesquinerie Frustrante!

Résidence Permanente, épisode deux.

Hier matin, armée de mes papiers manquants, je me suis rendue au bureau d'immigration pour compléter mon dossier. J'ai préféré m'y rendre en personne car mon amie, qui a déposé sa demande presque en même temps que moi, m'avait informée que les courriers pouvaient prendre jusqu'à trente jours pour parvenir au bon destinataire dans ces bureaux: en vélo, il m'a fallu quinze minutes! C'est à se demander si les étapes administratives visant à trier le courrier ne sont pas simplement là pour gripper les rouages de la machine. Au fond, il a quand même fallu presque cinq mois à la personne traitant mon dossier pour m'informer qu'il manquait trois malheureux papiers...

Bref, ayant appelé Mme P. plus tôt dans la semaine afin de m'assurer de sa présence, elle m'avait conseillée de l'appeler avec mon cellulaire, une fois rendue devant l'immeuble, afin qu'elle descende. Oui mais voilà: je n'ai pas sa ligne directe et je dois passer par l'accueil. Je compose donc le numéro, adossée au mur de l'entrée, contemplant avec un air incrédule les deux fonctionnaires, confortablement installées derrière leur comptoir, qui ne tentent pas même un geste pour décrocher. Elles devaient venir de se vernir les ongles, je suppose: il ne faudrait pas que la décoration s'écaille!

-"Cliché!"

J'avoue. Cela dit, elles n'ont rien fait pour me prouver que ces préjugés étaient foncièrement faux! Voyant que je ne tirerai rien de la voie téléphonique, je décidai de me rendre directement au comptoir pour demander à ce que Mme P. descende chercher les papiers. La dame m'écoute avec attention, hoche la tête lorsque je lui exprime mon désir qu'elle appelle Mme P, et se remet à tapoter sur son clavier en silence. Au bout de dix minutes, je m'interroge sur ma consistance corporelle: est-ce que ma requête n'était qu'une projection de mon esprit ou bien est-ce que mon interlocutrice préférait terminer sa partie de Solitaire avant de décrocher le téléphone? Je demeure d'une impassibilité admirable, appuyée sur le comptoir, suivant chacun de ses mouvements avec un regard vide. Enfin, l'employée se décide à appeler Mme P.: elle tombe sur le répondeur et, trouvant sans doute superflu de mentionner que quelqu'un attendait en bas, elle se contente de lui demander de la rappeler. Mon incrédulité face à la compétence de mon interlocutrice grandit un peu plus et je ne peux m'empêcher d'avoir un instant d'hésitation lorsqu'elle m'invite à patienter dans la salle d'attente. Pas que j'ai autre chose à faire que de compter les mouches au plafond, mais j'ai autre chose à faire! Je finis par obtempérer, cependant, consciente que, de toute façon, je n'existe déjà plus pour mon interlocutrice qui s'est relancée dans son tapotage de clavier.

M'asseyant près de l'entrée, je remarque alors la seconde personne présente dans la minuscule pièce, en grande conversation avec l'autre employée de cette magnifique institution. Je n'entends que des bribes de ce que le requérant désire alors que son interlocutrice est, semble t'il en train d'entrer en phase d'hystérie profonde! Le monsieur désire un CAQ ( Certificat d'Acceptation du Québec: papier nécessaire à tout visa de résident temporaire dans la belle province!) et il a préparé son dossier afin de l'obtenir immédiatement: pas de chance! Aucune demande n'est traitée avant un délai de trente jours, lui répond agressivement l'employée. Le monsieur insiste et provoque chez la fonctionnaire cette réaction qui n'a pas fini de me surprendre:

-"Vous ne l'aurez pas aujourd'hui, Monsieur! ça suffit maintenant: ça devient dangereux! Gardien!"

...

"Dangereux"... Au sens de: "Il y a un danger qui se profile à l'horizon" ? Non parce que, personnellement, je ne sens pas l'air lourd de menaces! Pour être franche, le principal risque que je pourrais concevoir serait ma possible surdité, imputable aux cris d'Ofraie que pousse la dite fonctionnaire supposément apeurée! La gardienne ( car oui, c'était une femme), armée de tout son courage, s'empresse d'appeler du renfort pour maîtriser ce candidat à la violence dont les gestes et les paroles sont aussi nerveux que s'il était sous Prosac. Le soutien arrive: un homme devant m'arriver à l'épaule se précipite dans la salle, tandis que le requérant, avec un sang froid impressionnant, ignore la panique générale pour continuer à plaider sa cause. Le petit homme, craignant peut être que le "coupable", d'un calme placide, décide soudain de forcer le passage et de s'enfuir dans l'immeuble, ferme la porte et fait un barrage de son corps impressionnant...

Au bout de quelques minutes, durant lesquelles le monsieur voulant le CAQ ne lâcha pas prise, l'employée craque et fait son travail: elle lui donne les instructions pour qu'il puisse soumettre sa demande à un agent et lui intime l'ordre d'écrire une lettre expliquant son cas. Dans un silence glacé, l'homme, heureux d'avoir une information, se rend au bout de la salle pour rédiger son courrier. Aucun des autres protagonistes ne le lâche des yeux, de peur, j'imagine, qu'il se serve du stylo sorti de sa poche comme d'un poignard ou d'un détonateur! Sait-on jamais: c'est un classique dans Rambo IV! La lettre écrite, le potentiel malfrat revient voir l'employée qui, sèchement, l'invite à aller rencontrer une personne X au quatrième étage. Bien sûr, le courageux gardien de un mètre vingt se précipite pour ne pas le laisser s'éloigner seul: les mauvaises personnes, il les sent, lui!

Personnellement, j'étais tellement estomaquée par la scène de folie pure à laquelle je venais d'assister que j'en avais oublié que j'attendais déjà depuis vingt minutes...J'allais me lever pour signaler ma présence à la championne de Solitaire, siégeant calmement à côté de l'employée hystérique, lorsque cette dernière se saisit du téléphone pour appeler le secrétariat du quatrième étage. Elle lui raconte brièvement le scénario du dernier film d'action à la mode., avec un air renfrogné.. Ah non, pardon! Elle lui narre ses mésaventures avec le monsieur désirant un CAQ: étrange version qui me rappelle un mauvais film d'horreur mais absolument pas la scène à laquelle je viens d'assister. Je souris devant une telle mesquinerie de la part de cette petite femme. Sa dernière remarque, cependant, transforme mon amusement cynique en horreur profonde:

-"En tout cas, dis lui qu'il n'y a aucun agent de disponible pour le recevoir!"

...

Puis-je m'exclamer "OUACH"! Sérieusement! Cette petite fonctionnaire frustrée, en plus d'être hystérique, s'applique à mettre des bâtons dans les roues d'une personne qui lui a fait confiance pour l'aider dans sa démarche d'immigration! C'est absolument infâme! A quel moment dans la vie de cette femme s'est elle transformée en harpie aigrie qui joue avec la vie des gens en fonction de ses humeurs? J'étais profondément choquée. Peu importe le pays, la situation, il y a toujours des petits fonctionnaires mesquins pour se penser meilleurs que les autres et pour, ainsi, abuser de leurs minuscules responsabilités!

Mme P. est enfin descendue. Je lui remets mes papiers dans un état second, incapable de détacher mon regard, empli de dégoût, de cette petite femme blonde qui fait mine de se concentrer sur ses papiers. Je ne peux m'empêcher de me demander comment elle parvient à justifier ce type de comportement lorsqu'elle se croise dans un miroir. Combien de personnes a t'elle ainsi court-circuité afin de satisfaire son maigre pouvoir personnel?

J'avais envie de l'invectiver, de lui lancer ma manière de penser au visage. Mais je n'ai rien dit, songeant que je m'attirerais sûrement plus de problème qu'autre chose. Bref, je n'ai pas eu assez de cran, une fois encore, pour mettre des mots sur les nausées qu'elle me donnait. Alors, je ne suis pas mieux qu'elle car assister sans rien dire à un tel abus de pouvoir n'est pas moins grave que de le commettre. Mon côté individualiste a primé et j'en ai honte, encore, ce matin...

2 commentaires:

  1. Je pense que le titre résume bien la situation de cette pauvre femme. En dénoncant ce type d'agissement pourri sur ton blog, tu laisses une trace tout de même.
    Tu devrais l'imprimer et l'envoyer par courrier à Mme P. (une fois que tu as reçu tes docs) en précisant la date et le contexte. Qu'au moins quelqu'un sache, chez eux, que certains font n'importe quoi et ne se sentent s^rement pas bien dans leur peau.
    Tu n'as pas mal agi, ce n'est jamais évident, et qu'aurais-tu pu faire de plus ? Maintenant tu peux dénoncer.

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  2. Oui, c'est vrai: ce pourrait être une bonne solution. Mais j'avoue que je bouillais tellement intérieurement que je me suis fait l'effet du spectateur impassible qui assiste sans broncher à un clair abus de pouvoir. J'avoue que même en lui signifiant ce que je pensais, je ne pense pas que j'aurais changé son comportement. En fait, pour agir ainsi, elle doit être persuadée de son bon droit, et c'est probablement ça le coeur du problème...

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