17 août 2011

Boulimie en argent.

J'ai écrit. Pour la seconde fois, j'ai écrit un courriel très long dans lequel je parlais à coeur ouvert. Pour la seconde fois, j'ai renoncé à l'envoyer. L'ennui, lorsqu'on aime vraiment une personne, c'est qu'on ne veut pas la blesser. On sait qu'on devrait secouer le tapis plein de poussières devant son visage pour la faire réagir mais on appréhende de la faire pleurer, d'agrandir la plaie sur son coeur. Alors, on hésite, on tergiverse, on se sent impuissant. Et, finalement, on ne fait rien. On regarde, la pointe au coeur, la personne qu'on aime tanguer sur le bord de l'abîme et on prie très fort pour qu'elle ait un sursaut de lucidité au dernier moment. Bien-sûr, cela n'arrive pas.

Ce spectacle est d'autant plus douloureux que je sais, pertinemment, qu'Elle sait. Elle doit avoir une part d'elle-même, avant de signer ces bouts de papiers, qui lui hurle de ne pas le faire. Si elle nous blesse, nous, je n'ose imaginer ce qu'elle doit ressentir, elle. C'est pathologique. Un peu comme l'alcoolisme. Elle sait que ça la détruit mais elle ne peut s'empêcher de continuer. Elle regarde brûler cet argent qui creuse, toujours un peu plus, l'abysse sans fin de ses dettes, et elle ne peut se décider à éteindre les flammes tant qu'il en est encore temps. Je me rappelle avec angoisse ces moments où, désamparée, elle se tapait la tête contre les murs pour que cesse cette hantise, cette peur de gérer de l'argent. Je croyais, naïvement, que plus jamais elle ne retomberait dans ce gouffre puant de la dette. Mais rien ne se règle par magie. Comme l'alcoolisme. Si on ne prend pas les moyens de guérir alors l'épée de Damoclès ne nous quitte jamais. Tout à l'heure, demain, dans un an, elle tombera. Ce n'est qu'une question de temps.

Je me trouve souvent arrogante de penser comprendre la douleur de mes proches. J'ai beau les aimer plus que tout, je ne suis pas eux. Je ne peux rentrer dans leur tête, réécrire le passé et panser leurs blessures. Je ne suis pas Dieu. Pourtant, lorsque je les vois si proches de tomber, j'ai envie de crier, de rentrer dans leur vie et d'empêcher tous ces démons de s'approcher d'eux. Je voudrais écrire à tous ses "amis" pour leur dire d'arrêter de l'attirer dans leurs cercles d'argent où ils dépensent l'équivalent de sa retraite en quatre jours. Mais ce serait sans doute comme fermer un bar parmi tant d'autres. Tant qu'elle-même ne prendra pas les moyens de vaincre ses démons, je ne ferai que crier dans le désert. Alors j'écris. De longs courriels où je tente de lui expliquer qu'elle n'a pas besoin de tout ça pour qu'on l'aime, qu'elle n'a pas besoin de combler ce vide intérieur en achetant l'amitié ou l'amour des Autres - qu'ils soient humains ou spirituels. L'argent, c'est la drogue des Hommes. Aucun ami, Aucun Amour, Aucun Dieu ne s'en repaîtra jamais. 

Elle a trébuché. Une fois de plus, elle s'est rapprochée du vide en souriant. Une fois de plus, je regarde mon courriel et je m'en veux d'être si loin pour ne pas simplement la prendre dans mes bras et lui dire tout ce que j'ai écrit. Une fois de plus, j'hésite, je tergiverse et je n'enverrai sûrement pas le courriel. Pour ne pas la blesser, je prends le risque de la laisser se faire plus mal encore. Je suis lâche. Je reprends mon courriel, le relis et me sens, à mon tour, vide, impuissante. Si chacun reçoit la croix qu'il est capable de porter, certains ont besoin d'aide pour remonter la pente. À défaut de pouvoir changer leur passé, peut-être peut-on les aider à écrire leur futur. Aurai-je ce courage?

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