23 février 2011

L'hypocrisie politique soumise à la Loi du pétrole.

L'une des raisons pour lesquelles je ne voudrais jamais faire de politique, outre les considérations triviales sur mon incompétence dans le domaine, demeure sans aucun doute l'hypocrisie et la torsion de nos convictions qui sont intrinsèques au pouvoir. Parce que, dès que nous atteignons le sommet d'un Etat, beaucoup trop d'enjeux entrent en ligne de compte pour pouvoir faire l'unanimité - que ce soit à l'interne ou dans les relations extérieures- il devient très vite impossible de rester cohérent et intègre. Le cas des révolutions dans le monde arabe en est la preuve la plus évidente. Sans pousser notre analyse jusqu'au comportement de ces chefs d'Etat désavoués qui préfèrent massacrer leur peuple plutôt que de l'écouter, un simple regard sur le comportement des puissances "amies" de ces dirigeants nous le démontre. Bien entendu, lorsque les média qualifient ces pays d'"amis", ce n'est qu'en termes économiques car il n'y a que ces considérations qui régissent notre monde aujourd'hui. De là, la platitude des remontrances lors d'abus de pouvoir et d'entorses aux droits de l'homme: tant que les média en parlent, les chefs d'Etat s'offusquent, du fond de leur palais présidentiel, mais dès que les caméras se lassent de ces scandales et reviennent nous raconter les malheurs de voisinage dans nos propres contrées, tout le monde oublie les belles paroles et reprend les relations économiques d'antan. Qui se rappelle encore qu'au Zimbabwe, le président a "volé" les élections et massacré les partisans du véritable élu?

D'ailleurs, il n'y a qu'à regarder les informations à Radio Canada, par exemple (mais ce doit être pareil partout, je suppose) : elles portent, pour un tiers, sur les massacres en Lybie et pour les deux tiers qui restent sur les conséquences économiques que cette guerre civile a sur le pétrole. Car, oui, ce qui nous préoccupe, c'est moins les souffrances d'un peuple qui tente de se débarrasser de ses chaînes, au prix de centaines de morts, que de savoir si notre voiture aura encore assez d'essence demain pour aller faire l'épicerie. À chacun ses sujets d'inquiétude. Il est vrai que la Lybie, c'est loin et il en filtre encore moins d'images que des deux autres pays arabes qui ont mis à bas leur président. Du coup, point d'images (ou presque) à donner en pâture aux télespectateurs - les médias préfèrent se tourner vers un sujet qui nous touchent et les futurs abus des stations services, trop contentes de pouvoir encore augmenter leurs prix, émeuvent certaienement autant dans les chaumières. Quelques journaux se scandalisaient, hier, de ne pas voir l'Union Européenne réagir et villipender le comportement de Khadafi. Ils seront satisfaits: elle a réagi aujourd'hui. Mais quel pouvoir cette désapprobation internationale bien-pensante peut-elle avoir sur un, passez-moi l'expression, taré qui n'hésite pas à bombarder des manifestants? Il n'est pas si loin le temps où ce pseudo chef d'Etat lançait des bombes sur l'Ecosse! Et pourtant, la communauté internationale lui a pardonné et l'harmonie semblait régner en tout hypocrisie. Que voulez-vous? C'est l'économie qui commande et la Lybie est, nous le savons désormais, essentielle au commerce du pétrole. Peu importe le combat des Lybiens, leur courage à se dresser devant un monstre égocentrique qui n'aime que les richesses et le pouvoir : s'il parvient à les écraser, il n'y aura pas un chef d'Etat pour protester et isoler l'antre de l'or noir. Les Lybiens ne peuvent compter que sur eux-mêmes et les rapports de force semblent bien inégaux.

Un moment d'utopie aurait pu nous laisser croire que cette menace de pénurie de pétrole, qui n'est ni la première ni la dernière, nous aurait convaincu de véritablement délaisser cette ressource si fragile pour ne plus être à la botte économiquement parlant d'une poignée de puissants aux idéologies litigieuses. Mais c'est une utopie. Jusqu'à ce que la dernière goutte de ce liquide poisseux et polluant, nous et nos chefs d'Etat continueront de piétiner nos convictions pour ne pas heurter les sensibilités de dictateurs maniaques qui ont la gachette facile. Ces derniers le savent, d'ailleurs, et c'est ce qui rend le pouvoir de l'ONU et les remontrances réclamées par les journaux si désuettes. Vous me direz, le silence est souvent pire que le cri dans le désert. Mais peut-on m'en vouloir de rêver à des paroles sincères suivies d'actions (non pas militaires-je ne prône pas la guerre- mais au moins économiques, puisque telle est la loi de notre monde)?

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