11 février 2011

Moubarak démissionne: une victoire du peuple?

Voilà. Une nouvelle page de l'histoire d'Égypte vient de s'écrire aujourd'hui: Hosni Moubarak a démissionné, cessant, après 18 jours, de faire la sourde oreille aux cris de son peuple. Dans les rues du Caire, d'Alexandrie et d'ailleurs dans l'ancienne contrée de Pharaons, une liesse sans pareille anime les foules dont les chants résonnent jusqu'ici. Il peut être fier, en effet, le peuple égyptien: il a retrouvé, à l'instar des Tunisiens quelques semaines plus tôt, toute sa fierté et son pouvoir de décider. Il a résisté envers et contre tout à un régime qui refusait désespérément de voir sa fin approcher. Pour avoir mené cette révolution à son terme, pour ne jamais avoir faibli ni s'être laissé intimider par la violence latente des fidèles de Moubarak, ce peuple mérite toute notre admiration et sa page dans le grand livre de l'Histoire de son pays. Pourtant, je ne peux m'empêcher de me demander jusqu'à quel point les Égyptiens ont gagné?

Dans les faits, le paysage politique du Trésor du Nil est assez désert, après 30ans de régime despotique. Il ne reste pas grand monde pour écouter et satisfaire les exigence du commun des mortels. Entre les Islamistes et l'Armée, le choix s'avère cornélien: Charybde ou Scylla? C'est la seconde qui l'a emportée, d'après les dernières nouvelles. Mais n'est-ce pas justement la continuité? Moubarak ne sortait pas de derrière les fagots: c'est l'Armée qui l'a porté au pouvoir, tout comme Nasser avant lui. Son pouvoir était issu d'un monde de militaires, ce sont donc eux, en dernier ressort, qui avaient la main mise sur le pays. Alors, certes, leur attitude durant les manifestations, souvent favorable aux résistants, voire protectrice contre la police, pourrait laisser penser qu'ils sont les gentils de l'histoire. Il est vrai que c'était de leur soutien, comme dans tout état policier, que dépendait le maintien au pouvoir du président. La démission de celui-ci démontre qu'ils ont choisi leur camp. Certes. Sauf que c'est toujours eux qui ont le pouvoir.

Puisque à chaque jour suffit sa peine, il faut laisser aujourd'hui le peuple égyptien à la fête. Il a réussi à abattre un colosse, seulement armé de son désespoir et de sa volonté sans faille pour un changement. Il sera toujours temps, demain, de compter les points de part et d'autres. Après tout, peut-être que l'Armée va véritablement permettre la tenue d'élections libres, apportant au peuple leur récompense démocratique qu'ils ont si chèrement payée. Peut-être qu'elle ne va pas, comme elle a si tendance à le faire dans tous les pays où elle s'impose, simplement remplacer un dictateur militaire par un autre - toujours prêt à la favoriser au détriment de la masse. Peut-être. L'Histoire nous a déjà pris de court en permettant au monde arabe de prendre le contrôle de son existence, au moins quelques jours, pour faire entendre sa voix. Pourquoi ne nous surprendrait-elle pas à nouveau? C'est, en tout cas, tout le mal que je souhaite au peuple d'Égypte: pour une fois que son cœur résonne à l'unisson, que ce soit le signe d'un renouveau dont il aurait lui-même à décider de la forme.

Pour l'heure, peut-être pouvons-nous juste nous arrêter au bonheur gagné. Comme l'écrit l'envoyé spécial de Radio Canada, Akli Aït Abdallah sur son blog, "La place Tahrir exulte. Peuple et armée main dans la main. Liberté. Le peuple a arraché la chute du régime. Liberté. Les drapeaux de l’Égypte sont brandis très haut. Certains prient. D’autres pleurent ou s’embrassent. On continue d’arriver sur la place noire de monde. La place de la Libération n’a jamais aussi bien porté son nom."

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