3 mai 2011

Des élections au goût rance.

Hier était un grand jour pour le Canada. Hier, les Canadiens choisissaient leur premier ministre. Lorsque j'étais enfant, mes parents me répétaient souvent que voter était une chance incommensurable de faire entendre sa voix, de décider de sa destinée. Voter n'était pas simplement un droit, c'était un devoir de citoyen. Mais c'était là le discours de mes parents : il n'était pas si loin le temps où tout le monde n'avait pas le droit d'aller aux urnes, dans leur temps. Aujourd'hui, les jeunes ont l'impression que c'est un acquis, presque une corvée. Ils se réfugient derrière les commentaires un peu faciles, toujours réducteurs, du type "à quoi bon? Ce sont tous des pourris!" ou "ce n'est pas mon vote qui fera la différence". Pour ma part, je trouve ça triste. Profondément triste. Car, s'il est indéniable que la classe politique n'est pas la même que celle qui défendait ses valeurs il y a cinquante ans, nous sommes toujours responsables de celui que nous portons à la tête de notre pays. 

Hier, 61% des Canadiens ont été voter. Hier, le parti Conservateur a été élu majoritaire alors qu'il n'a été plébiscité que par 40% des électeurs. Aujourd'hui, le Québec est en deuil mais pas seulement lui: les 60% de personnes qui ont voté contre Harper ont le sentiement d'avoir été flouées. On dit bien que la multiplication des partis divise mais ce n'est pas juste pour ça que nous nous réveillons ce matin avec un nouveau Roi à la tête du Canada: 61% de votants, c'est 39% de personnes qui ont tacitement approuvé la majorité du parti Conservateur. C'est avoir donné les clefs du coffre et la plume à un homme qui est contre l'avortement, contre le mariage gay, qui préfère acheter des avions de chasse hors de prix plutôt que d'investir dans la culture. Pourtant, quand on y pense, le problème est plus profond que l'inertie de certains: à quel moment, dans quelle démocratie, sous quelle excuse un parti peut-il affirmer être passé majoritaire alors qu'il n'a ramassé que 40% des voix? La majorité relative à un tour n'est pas représentative de la volonté du pays. Elle n'est que le reflet de quelques-uns qui ont parlé plus fort que les autres. Mon petit côté gauchiste fait que je trouve toujours étonnant qu'un premier ministre condamné pour "outrage au parlement", empêtré dans les scandales et les procédures anti-démocratiques, réussisse encore à rassembler même plus de dix voix. J'imagine que je n'ai pas toutes les pièces du puzzle. Après tout, en France, nous avons bien eu un ministre de l'immigration condamné pour "injures raciales": quand le monde va mal...

Hier, il s'est produit une petite révolution au Québec. Le bleu clair du Bloc Québécois a été dévoré par ce que les média appellent "la vague orange": le Nouveau Parti Démocratique de Jack Layton. Gilles Duceppe, le monstre sacré du parti bloquiste, a même démissionné et cela a sans doute été le moment le plus tragique de la soirée électorale. Depuis vingt ans qu'il était à Ottawa, il faisait partie du paysage politique, de notre environnement, de nos habitudes. Maintenant, le Bloc ne dispose plus que de 4 députés et Duceppe n'en sera même pas. Les Souverainistes, les Fédéralistes, les journalistes: tout le monde veut trouver une raison à cette vague orange qui a ébranlé une si solide institution en une fraction de seconde. Pour certains, c'est l'envie de changement des Québécois, pour d'autres, c'est la lassitude face à un discours dépassé. Nous ne savons pas vraiment, en vérité, pourquoi cet engouement soudain pour le centre gauche au détriment du Bloc et prétendre le contraire ne serait qu'élucubration.

Ce qu'il reste de nous ce matin, c'est un nouveau paysage politique avec un gouvernement rétrograde qui ne devrait pas être élu mais qui l'est pareil à cause des failles du système électoral et du manque de mobilisation de ses opposants. C'est une nouvelle opposition fédéraliste mais peut-être plus à gauche que n'a jamais été aucun parti d'opposition. Reste à savoir quel sera son pouvoir face à un Harper tout puissant. Ce matin, tous les Québécois, qui ont voté à 80% contre Harper, mais aussi les autres, en Colombie Britannique, par exemple, ont un mauvais goût dans la bouche. Une impression de tentative ratée de changer le cours de leur histoire, une certaine désillusion au fond des yeux et surtout, un rêve brisé. Que ce soit les souverainistes ou les fédéralistes, tous les opposants des Conservateurs ont d'autant plus mal qu'ils avaient cru, cette fois, cette fois seulement, que peut-être ils pourraient prendre leur place dans ce gouvernement en renversant le simulacre de roi qui massacrait leur pays. La chute fait mal parce qu'ils avaient de grands espoirs. Ce matin, les limites de leur système politique claque comme une gifle en plein visage.

4 commentaires:

  1. Gigi : Eh bien nous je pense qu’on va se taper Marine le Pen en 2012 ! Ça tombera bien remarque, pile poil pour la fin du monde !
    Je fais partie de ceux qui pensent « ouais la politique c’est trop pourri ». Etant élue de mon village et novice dans le monde de la politique, j ai assisté et assiste encore à des réunions, conférences… dans la région. Résultat : je suis dégoutée, et même choquée. Il faut le voir pour le croire, heureusement qu’il y a un apéro dinatoire à la fin de chaque réunions pour remonter le moral (pas d’argent pour les communes en difficultés, mais bien assez pour l’apéro dinatoire avec foie gras, champagne, macarons et le service en prime !).

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  2. Fort heureusement, en France, il y a deux tours! Au pire, il se produira une élection semblable à 2002 mais je veux croire que les 50 millions d'électeurs ne voteront pas FN.

    C'est certain que la politique a ses limites et ques les classes politiques ne sont plus ce qu'elles étaient. Mais on a plus de chance de changer les choses en jouant son rôle de citoyen qu'en restant assis sur son sofa en maugréant sur tous ces politiciens pourris. En tout cas, c'est mon opinion et c'est un peu ça que je voulais dire en parlant de trop de gens qui ne votent pas. Qu'on vote ou pas, on n'est jamais neutre dans le résultat du vote final alors, tant qu'à faire, autant voter pour choisir à qui donner sa voix.

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  3. Oui je suis tout à fait d’accord avec toi, j’espère aussi que le FN ne passera pas, j’imaginai juste un scénario catastrophe pour coller à l’ambiance actuelle.

    Par contre je pense qu’on pourrait être de très bons citoyens sur le sofa devant la télé, armé de notre téléphone portable et voter en direct, « pour sarkozy en treillis taper 1, pour ségolène en tricot mitaines taper 2, pour DSK en bermuda taper 3 ……. » Là on aurait un taux de participation énorme ! « Et la nouvelle star de la république est ………». :)
    J’arrête de critiquer notre politique, il y a des pays bien plus mal lotis que nous.

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  4. J'avoue qu'on aurait sûrement un plus grand taux de participation. L'ennui, c'est qu'ils s'arrangerait pour que ce soit un genre d'appel surtaxé ou un truc du genre: L'appel du profit, tout ça, tout ça! ;) L'avantage de chez nous, c'est que nous n'aurons jamais un président élu par 30% de l'électorat en un tour. Au moins ça...

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