19 avril 2010

Les Dérives de Biz sont un plaisir à lire!

Dérives. Des rives du Styx à la dérive d'un homme, il n'y a qu'une gaffe, maniée avec dextérité par le héros d'une Odyssée toute particulière, dont l'analogie avec celle de Homère nous apparaît de plus en plus évidente au fil des pages de son histoire. 

L'auteur de l'ouvrage, Biz, chanteur du groupe Québécois Les Loco Locass, est plus fameux pour ses discours souverainistes que pour les introspections littéraires. Avec cette courte histoire, il prouve, selon moi, que son éloquence puise ses forces dans une écriture dynamique et talentueuse. Honnêtement, j'aime beaucoup le groupe de musique. Même si je ne peux pas véritablement adhérer à toutes les idées souverainistes, ne serait-ce que parce qu'elles me sont souvent étrangères, j'admire la conviction, la force de pensée et surtout la réflexion derrière leurs textes et leurs idées. C'est une démarche rare, notamment pour un groupe de rap, de défendre sa langue non seulement par le fond, en chantant ses idées, mais aussi par la forme, en usant de ses trésors inusités. Les Loco Locass chantent une réflexion plus qu'une idée abstraite et j'admire la démarche. 

Ce n'est cependant pas uniquement pour cette raison que j'ai voulu lire l'ouvrage de Biz. Ayant assisté à sa performance à Tout le Monde en Parle, j'ai trouvé réellement pertinent son sujet de roman. A l'heure où la société valorise l'enfant-roi, identifie le bonheur et la réussite d'une vie à la pérennité de notre être, il est parfois difficile de parler de la dépression post-partum de la femme. Alors lorsqu'il s'agit du père... J'ai aimé la démarche et je voulais découvrir la manière d'aborder un sujet encore tabou dans nos sociétés. La dépression suite à la naissance d'un enfant paraît toujours un peu plus "laide" que les autres formes de ce mal. En outre, la plupart des discours publics de parents qu'on entend interviennent alors que le plus dur est passé: seuls les bons souvenirs restent et l'angoisse qu'il en résulte pour celui qui traverse les mauvaises passes de la naissance en est d'autant plus oppressante. Qu'est-ce qui fait que nous avons tellement de mal, au moins un temps, à passer du statut d'homme à celui de parents? 

Les réponses sont multiples et différentes pour chacun mais j'ai aimé l'image rendue par Biz. En comparant ses années de flottement à la dérive d'un radeau sur une mer fangeuse, à l'intérieur même de son être, cela nous rappelle ce que nous sommes. Dans notre société où l'individu est valorisé, il n'y a que peu de place pour le don de soi, l'Ego atrophié. Les représentants même de la religion, derniers vestiges théoriques de cette générosité sans bornes, prouvent, ces derniers temps, qu'ils ne valent pas mieux que les autres. Alors comment réagir lorsqu'entre dans nos vies le "fruit d'un amour" qui se révèle être un mini-être humain, en proie à la panique dans ce nouveau monde? Grand Corps Malade a fort justement dit un jour, dans un de ses slams, que si le Nouveau-Né pleure autant, c'est qu'il sait que la vie va lui faire mal. Un bébé est un être innocent au sens où il n'a encore aucun de nos beaux préceptes, aucune notion de Bien ou de Mal, il ne sait d'ailleurs même pas ce que c'est. Il est une page blanche. Et nous, nous qui n'avons toujours existé que pour nous, nos idées, nos valeurs, nos croyances, nous avons soudainement la responsabilité de la remplir, de modeler un petit être à notre image. Pour qui? Pour quoi? Parfois, le syndrome de la page blanche peut faire surface...

J'ai beaucoup aimé Dérives. Le style, le propos, l'image: l'ensemble m'a touchée.

6 commentaires:

  1. J'en prends note. Après tout j'aime bien ce que font loco locass avec les mots.

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  2. Vous ne serez donc pas déçu! ^-^

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  3. Je n'ai pas été déçu en effet même si la lecture du livre n'a pris que quelques heures et que j'ai l'impression que le thème de la dépression chez le nouveau père n'a été qu'abordé.
    S'agirait-il d'un problème spécifique à la nouvelle génération ? Dans le sens que "dans mon temps" (je suis dans la 50aine)fonder une famille voulait automatiquement dire don de soi et finie une certaine liberté. Des pères incompétents et absents je veux bien mais il me semble qu'il n'y avait pas de dépression chez les nouveaux papas de mon entourage. En tout cas....
    bonne journée

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  4. En effet, je pense également que c'est un problème des nouvelles générations. Aujourd'hui, on favorise beaucoup plus l'individu que le don de soi et cela rend le sacrifice d'autant plus douloureux lorsqu'il se présente. En outre, je dirais que l'absence, ou en tout cas la rareté, de la dépression paternelle dans les générations précédentes vient aussi du faut que les "papa" au foyer, s'occupant des bébés étaient plutôt rares. De fait, le rapport du sacrifice de soi s'averait beaucoup moins tangible pour ces pères d'une autre époque. Enfin, ce n'est qu'un avis. Le livre amène au moins a réfléchir sur le type de société qu'on recherche et qu'on crée. :)

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  5. Mes absences m'ont probablement sauvé de la déprime :-)
    hihi faudrait maintenant aborder le thème des grand-parents qui gardent les petits-enfants. Me donne quelques années pour bien cerner le sujet :-)

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  6. Oui, j'avoue! Une analyse empirique est nécessaire! ;)

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