4 janvier 2014

Des chapitres douloureux de nos vies.

Eh voilà! Six ans plus tard, nous revoilà à Paris. J'ai obtenu une bourse de Postdoctorat de neuf mois et c'était une chance à ne pas rater: les deux dernières années nous ont montré qu'il ne fallait rien laisser passer si on voulait s'en sortir en Histoire. Ce départ s'est fait dans le déchirement, cependant. Aussi enthousiaste que je suis d'avoir retrouvé mon pays, mes racines - même si nous sommes encore un peu trop au Nord pour qu'elles s'épanouissent pleinement - ma famille et mes amis, j'ai laissé derrière moi d'autres amis, d'autres bouts de ma famille avec qui j'avais tissé des liens étroits. Ma soeur avec qui je partageais l'éloignement du pays natal, mes neveux qui vont grandir sans moi et sans mes poissons panés purée, ma cousine et son chum avec qui nous avions établi des relations hebdomadaires - sinon quotidiennes - intenses. Ces deux dernières années, notamment, avec ma soeur et ma cousine, ont été exceptionnelles. Installées dans le même quartier, on s'est sans doute plus rapproché que les quinze dernières années nous avaient permis de le faire. Et pourtant, il a fallu partir, laisser tout cela derrière nous et avancer vers un avenir incertain. 

Ce n'est pas la première fois que je ressens ce déchirement, cette sensation de laisser un bout de moi à chaque départ et de ne plus appartenir à aucun univers. Mais ce départ laisse un goût rance dans la bouche, probablement parce qu'il n'a pas de date officielle de retour, parce qu'il n'a pas de solution miracle pour que tout soit pour le mieux. Je n'oublie pas à quel point j'ai souhaité revenir ici, près de ma famille et de mes amis restés en métropole mais mon coeur se serre à l'idée que tout ce qu'il a vécu au cours de ces six dernières années sont bel et bien finies. Désormais, je verrais mon Yankee préféré et sa douce, leur petit garçon, mes amis d'Histoire, du Kung-Fu et d'ailleurs bien moins souvent et ce ne sera jamais pareil. La vie continue, chacun va voguer de son côté et, petit à petit, on va se réveiller chacun d'un côté du Lac sans qu'on ait eu bien conscience de dériver à ce point. Je pense que c'est en partie pour ça que je déteste grandir ou vieillir. Ce n'est pas tant que j'haïs la vie que je mène en tant qu'adulte: très honnêtement, je suis tellement gâtée d'avoir une famille et des amis comme les miens pour m'accompagner et m'éviter de trébucher trop souvent. Par contre, je déteste l'effet qu'a le temps sur les relations longue distance de n'importe quelle type. J'exécre ne plus pouvoir partager la complicité au quotidien que je pouvais avoir avec ma soeur et ma cousine, ne plus avoir la possibilité de partager une glace, un thé ou une raclette comme ça, sur un coup de tête ou de téléphone avec mon Yankee préféré et sa blonde, avec nos nouveaux voisins d'en face, avec mes amis de là-bas... Pour certains, ce n'est pas tant que je les voyais tous les jours. Je ne suis pas protégée des affres du quotidien: on se laisse happer et on se dit qu'on appellera demain ou la semaine prochaine, qu'on a le temps. Mais j'avais toujours la possibilité de, le choix de décider comme d'un lavement que là, tout de suite, on allait se voir. Aujourd'hui, je ne l'ai plus. Et je sais que c'est un nouveau chapitre de ma vie qui se termine et ça, j'haïs ça au plus profond de moi. Je n'ai jamais demandé à ce qu'on tourne les pages de ma vie aussi vite. Je n'ai jamais voulu avoir mal à chaque fois que je pars d'un endroit, à chaque fois que je quitte quelqu'un qui compte, parce que je sais qu'au détour de sa vie, je risque un jour de n'être plus qu'un souvenir. 

Ces six dernières années ont été intenses. Par les rencontres que j'ai faites, les coups de déprime, les joies, les moments partagés avec ma famille et mes amis, les découvertes et les voyages. Elles sont un nouveau pan de ma vie si chanceuse, si gâtée. Si ça fait si mal aujourd'hui, après tout, c'est parce que je m'étais attachée, parce que je dois abandonner quelque-chose et que c'est comme si ma peau restait collée dessus. Je ne regrette pas ces années de bonheur et je sais que je dois regarder vers l'avenir mais je me demande parfois si, à force de laisser des bouts de moi un peu partout, je ne finirai pas par ne plus rien garder à la fin...

Itte Rashaï Mina-san! 

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