22 avril 2012

Oublier son passé au risque de perdre son âme.

"Un peuple qui oublie son passé se condamne à le revivre" déclarait Winston Churchill. La brûlure de ces mots se fait d'autant plus sentir que le temps passe et que les populations se désintéressent de l'Histoire pour se concentrer sur leur quotidien. Il est vrai que lorsque ce n'est que misère et déceptions, il est difficile de prendre le temps d'analyser ce qui se passait du temps de nos grands-parents. Pourtant, il me semble que cela revient à renoncer à son identité que d'oublier d'où l'on vient... Mais je suis une historienne: pour moi, c'est plus qu'une question de principes: c'est une passion.

Aujourd'hui a eu lieu le premier tour des élections présidentielles en France. Sans grande surprise, le candidat du Parti socialiste, partisan d'une gauche timide mais qui peut peut-être toucher le plus grand nombre, et Sarkozy ont accédé au second tour. Je suis heureuse de la mobilisation populaire: plus de 80% de participants. C'est magnifique: cela prouve qu'en dépit de tout ce que les média peuvent nous dire, les gens sont encore conscients de la beauté du geste, de la chance que c'est de vivre dans une démocratie, de l'honneur que l'on retire de décider de notre avenir - à notre échelle. Là où je suis plus chamboulée, c'est sans nul doute lorsque je constate que près d'un français sur cinq a voté Front National. Ça me fait mal, à l'intérieur, et je sens comme une pierre au fond de mon estomac. Ce n'est même pas de la colère: c'est juste une immense tristesse.

Je n'ai jamais caché mon antipathie pour ce parti et j'ai déjà entendu les multiples arguments soulevés par les sympathisants ou les électeurs fugaces: un ras-le-bol, un moyen d'exprimer sa désillusion face à la classe politique actuelle, un appel de détresse pour des cas particuliers qui vivent la misère au quotidien et qui ont l'impression que les puissants de ce monde ne les écoutent même pas. J'ai entendu tout ça. J'ai beau essayer de toutes mes forces, je ne comprends pas pour autant. Je veux dire: le Front National, ce n'est pas le Parti Vert ou le Pati Chasse et Pêche. C'est un Parti qui fonde une large part de son programme sur la haine et le rejet de l'Autre. On peut tourner ça comme on veut, prendre son cas particulier pour montrer à quel point Marine Le Pen n'a pas tort à tous les niveaux et que l'immigration pose de sérieux problèmes, ce qui reste au final, lorsqu'on se place au dessus de toute considération particulière, c'est la Haine. Voter FN, c'est laisser sa rage parler, c'est chercher des coupables à une situation étouffante et choisir de déverser sa haine sur l'Autre en espérant que quelqu'un entende notre appel "Au secours". Mais la Haine n'engendre que la Haine. Il ne faut pas remonter bien loin pour voir ce que ça donne un parti d'Extrême Droite au pouvoir. Il ne faut pas avoir fait 12 ans d'Histoire pour remarquer que de la Haine des Autres ne naît que la guerre et la misère encore plus noire. Vendre son âme au Diable n'a jamais sauvé personne.... Une fois le coup de gueule passé, une fois la rage sourde exprimé, qui va attraper votre main pour vous sauver? Personne.

En 1933, un Homme a été élu chancelier en Allemagne. Son parti d'Extrême Droite prétendait se battre pour les travailleurs, les (nouveaux) pauvres gens qui peinaient à joindre les deux bouts et qui voulaient enfin qu'on les entende. En 1929, la Grande Crise avait privé son pays des capitaux américains et s'en était suivie une faillite du système bancaire allemand et de la production industrielle dans le pays. Le chômage avait explosé- la classe moyenne frayait avec la misère. Il s'est présenté en Sauveur. Plus de 64 millions de morts plus tard, on se rend compte qu'il n'était que porteur de Haine. Lorsqu'on vote pour un tel Parti, ce n'est pas un vote contestataire, selon moi: c'est entrouvrir la boîte de Pandore sans avoir la moindre idée de ce qu'elle contient. C'est faire Fi de l'Histoire.


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